Circulaire DGS/DH/AFS 97-149 du 26 février 1997 relative à l'accès des patients aux informations dans le domaine de la transfusion sanguine, notamment dans le cadre d'une action en responsabilité.

La présente circulaire a pour objet de rappeler aux établissements de santé, d'une part, (Partie I) et aux établissements de transfusion sanguine, d'autre part (Partie II) :

- les règles qu'ils sont tenus de respecter en matière de recueil et de conservation des informations relatives aux transfusions sanguines ainsi qu'en matière de communication de ces informations notamment dans le cadre d'actions en responsabilité engagées par des patients transfusés ou par leurs ayants droit ;

- la conduite à tenir en cas de défaut de recueil ou d'archivage des informations demandées ou d'impossibilité de retrouver les donneurs concernés pour les transfusions en cause.

 S'agissant d'un défaut d'archivage, la responsabilité d'un établissement pourrait être engagée s'il était établi un lien de causalité directe entre, d'une part, l'absence de tout ou partie de ces informations, de même qu'une communication incomplète ou hors du délai de 2 mois prévu par la loi du 17 juillet 1978 et, d'autre part, l'existence d'un dommage, d'une perte de chance pour le patient ou d'une privation de ses droits.

 Nous vous demandons de bien vouloir prendre toute mesure d'organisation de nature à faciliter l'accès aux informations des patients transfusés qui, atteints d'une maladie transmissible, engagent une action en responsabilité.

 I. - RECUEIL, CONSERVATION ET TRANSMISSION DES DONNEES TRANSFUSIONNELLES DES PATIENTS PAR LES ETABLISSEMENTS DE SANTE
 

 Chaque établissement de santé est tenu de communiquer, dans les conditions indiquées aux articles R. 710-2-2 à R. 710-2-7 du code de la santé publique, au patient qui en fait la demande, ou à ses ayants droit en cas de décès, par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par le ou les intéressés, les informations permettant :

- d'établir si le patient a été ou non transfusé ;

- et, s'il l'a été, d'identifier les unités de produits sanguins labiles qui lui ont été administrées.

 En outre, l'article R. 710-2-7-1 prévoit que tout patient auquel a été administré, au cours de son hospitalisation, un produit sanguin labile doit en être informé, systématiquement et par écrit. L'information doit être communiquée aux titulaires de l'autorité parentale pour les mineurs et, pour les incapables, à la personne qui exerce la tutelle.

 I.1. Règles relatives au recueil et à la conservation des dossiers médicaux et des données relatives aux transfusions ainsi qu'à l'accès des patients à ces données

 I.1.1. Recueil

 Le dossier médical de chaque patient hospitalisé dans un établissement de santé public ou privé doit contenir notamment la mention des actes transfusionnels pratiqués sur ce patient (art. R. 710-2-1 du code de la santé publique).

 D'autre part, chaque établissement de santé, public ou privé, est tenu de recueillir et conserver, pour chaque unité de produit sanguin labile qui est distribuée, des informations relatives notamment à l'identification de cette unité et du patient auquel elle a été administrée (art. R. 666-12-13). La directive technique n° 2 de l'Agence française du sang du 8 décembre 1994 relative à la traçabilité des produits sanguins labiles diffusée par la circulaire du 30 décembre 1994 sus-visée, fixe les modalités de ce recueil. L'établissement de santé établit et conserve :

 a) Au sein des dossiers médicaux des patients : des exemplaires des fiches de distribution nominative des produits sanguins labiles qui leur ont été administrés ainsi que des fiches transfusionnelles ou "dossiers transfusionnels" ;

 b) Indépendamment des dossiers médicaux, et selon une procédure qui peut être centralisée ou non, l'information associant à chaque produit transfusé (avec son numéro et sa nature) l'identité du receveur de ce produit et de l'établissement de transfusion sanguine distributeur. Ce recueil et cette conservation spécifiques ont précisément pour objet de faciliter les enquêtes ascendantes et descendantes sur les produits transfusés.

 Antérieurement à la mise en oeuvre de ces dispositions, prises en application de la loi du 4 janvier 1993 relative à la sécurité en matière de transfusion sanguine et de médicament, il était demandé aux établissements de santé d'établir et de conserver pour chaque patient transfusé une fiche transfusionnelle individuelle identifiant à l'aide de numéros les produits sanguins administrés (circulaires DGS/359/AS/1-2 du 30 juin 1980 relative à la prévention des accidents transfusionnels, DGS/3B/552 du 17 mai 1985 relative à la prévention des accidents transfusionnels et d'allo-immunisation, DGS/3B/142 du 2 octobre 1985 relative au dépistage et à l'information des donneurs de sang porteurs d'anticorps anti-VIH, et du 15 janvier 1992 relative au suivi de la sécurité entre les établissements de transfusion sanguine et les établissements de soins).

 I.1.2. Règles relatives à la transmission d'informations permettant d'effectuer la traçabilité des produits sanguins labiles

 L'établissement de santé, une fois la transfusion du produit sanguin réalisée, renvoie à l'établissement de transfusion sanguine un exemplaire de la fiche de distribution nominative dûment complétée (directive n° 2 de l'Agence française du sang du 8 décembre 1994 précitée).

 I.1.3. Archivage

 L'article R. 710-2-9 (décret du 30 mars 1992) prévoit que :

 1. Les établissements publics de santé et les établissements privés participant au service public hospitalier doivent conserver les dossiers médicaux conformément à la réglementation relative aux archives hospitalières fixée par l'arrêté du 11 mars 1968 ;

 2. Les établissements de santé privés ne participant pas à l'exécution du service public hospitalier conservent les dossiers médicaux sous la responsabilité des médecins qui les ont constitués ou des médecins désignés à cet effet par le président de la conférence médicale.

 L'article R. 710-2-10 ajoute que lorsqu'un établissement de santé privé ne participant pas à l'exécution du service public cesse ses activités, les dossiers médicaux peuvent faire l'objet d'un don à un service public d'archives.

 I.1.4. Règles relatives à l'accès des patients aux informations les concernant

 Le dossier médical (y compris le cas échéant la fiche d'anesthésie, les feuilles de température et les fiches de prescription) d'un patient qui a été hospitalisé doit être communiqué, sur la demande dudit patient, de son représentant légal ou des ses ayants droit en cas de décès, par l'intermédiaire d'un praticien désigné à cet effet par les intéressés (art. R. 710-2-2).

 Le directeur de l'établissement de santé veille à ce que toutes mesures soient prises pour assurer la communication du dossier médical (art. R. 710-2-7).

 Les établissements de santé publics et privés sont donc tenus de s'organiser afin de permettre l'exercice effectif du droit d'accès des patients transfusés, ou de leurs ayants droit, à leur dossier médical et aux informations transfusionnelles qui y sont contenues, par l'intermédiaire du médecin de leur choix.

 I.2. Conduite à tenir lorsque les données demandées ne sont pas disponibles

 Lorsque le dossier médical demandé et particulièrement les données transfusionnelles ne sont pas disponibles (archives détruites, dossier non retrouvé, etc.), l'établissement de santé devra délivrer au demandeur un document écrit, daté, signé et motivé, attestant de l'impossibilité de retrouver les informations demandées.

 Par ailleurs, il convient que l'établissement de santé interroge lui-même le ou les établissements de transfusion sanguine fournisseur(s) ou susceptible(s) d'avoir fourni le produit en cause afin de rechercher s'il(s) dispose(nt) des informations demandées, la fiche transfusionnelle ayant pu être conservée par l'établissement de transfusion sanguine (cf. circulaire du 30 juin 1980).


 II. - RECUEIL, CONSERVATION ET TRANSMISSION DES INFORMATIONS PAR LES ETABLISSEMENTS DE TRANSFUSION SANGUINE
 

 Les établissements de transfusion sanguine sont tenus de recueillir et de conserver les informations permettant, à partir de l'identification d'une unité de PSL transfusée, d'établir notamment le statut sérologique du don à l'origine du produit et de reconvoquer le donneur dans le cadre d'une l'enquête transfusionnelle ascendante, ainsi que les informations relatives aux enquêtes descendantes visant à retrouver les patients ayant reçu des produits sanguins labiles qui présentent un risque viral vis-à-vis des hépatites B et C et des infections à VIH et à HTLV.

 II.1. Règles relatives au recueil et à la conservation des informations permettant d'effectuer la traçabilité des produits sanguins labiles

 Chaque établissement de transfusion sanguine est tenu de recueillir et de conserver, pour chaque unité de produit sanguin labile préparée par lui, notamment l'identification du don et du donneur dont est issue l'unité, l'identification de l'établissement de santé destinataire de cette unité et l'identification du patient auquel elle a été administrée (art. R. 666-12-11) dès qu'il a reçu cette dernière information de l'établissement de santé.

 L'arrêté du 22 septembre 1993 homologuant le règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de prélèvement prévoit l'attribution d'un code d'identification unique au donneur au sein d'un établissement de transfusion sanguine et le recueil de renseignements permettant de l'identifier notamment en vue de le convoquer pour des contrôles biologiques complémentaires à l'occasion d'une enquête transfusionnelle ascendante ou descendante. Il prévoit également l'attribution d'un numéro de don enregistré sur la fiche de prélèvement.

 La directive technique n° 2 de l'Agence française du sang du 8 décembre 1994 relative à la traçabilité des produits sanguns labiles transmise aux établissements de santé par la circulaire DGS/DH n° 92 du 30 décembre 1994 précise que le produit transfusé au receveur doit être au préalable identifié à l'aide d'une codification harmonisée des informations figurant sur les poches de produits sanguins labiles permettant de remonter au donneur.

 Enfin, il est rappelé que la réglementation antérieure, prise pour l'application de la loi de 1952, prévoyait que les centres et postes de transfusion sanguine étaient chargés de tenir à jour un fichier des donneurs de sang (article 14 du décret du 16 janvier 1954 relatif aux établissements de transfusion sanguine et à l'organisation générale de la transfusion). De plus, les établissements de transfusion sanguine devaient, comme les établissements de santé, posséder des systèmes d'enregistrement des informations permettant de suivre un produit du donneur au receveur (circulaires du 2 octobre 1985 et du 15 janvier 1992 déjà citées).

 II.2. Archivage

 L'arrêté du 4 août 1994 portant homologation du règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de distribution et l'arrêté du 4 janvier 1995 portant homologation du règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de qualification biologique du don prévoient que la durée de conservation des documents relatifs à la sécurité transfusionnelle, et notamment le fichier des receveurs qui doit être obligatoirement tenu par l'établissement de transfusion sanguine, est de quarante ans.

 En cas de dépôt de bilan d'un établissement de transfusion sanguine ou lors de la constitution d'un groupement d'intérêt public, les archives de la structure anciennement gestionnaire doivent être transférées à l'établissement qui reprend l'activité exercée par l'établissement qui disparaît. Ce transfert est précisément indispensable pour permettre la conduite des enquêtes transfusionnelles.

 Ce transfert n'implique toutefois pas le transfert de la responsabilité des contentieux liés à l'activité transfusionnelle du premier établissement : celui-ci demeure responsable des suites contentieuses éventuelles des transfusions des produits préparés et distribués par lui.

 II.3. Conduite à tenir lorsque les données demandées ne sont pas disponibles

 Il s'avère que les données recherchées ne sont pas toujours disponibles (archives détruites, impossibilité de retrouver tous les donneurs concernés). Dans ce cas, l'établissement de transfusion sanguine devra délivrer au demandeur un document écrit, daté, signé et motivé, attestant de l'impossibilité de retrouver les informations demandées.

 Par ailleurs, il convient que l'établissement de transfusion sanguine interroge lui-même le ou les l'établissements de santé concernés par les transfusions du malade afin de rechercher s'il(s) dispose(nt) des informations demandées, la fiche transfusionnelle ayant pu être conservée par l'établissement de santé (cf circulaire du 30 juin 1980).

 II.4. Respect du principe de l'anonymat

 L'article L. 666-1 pose le principe de l'anonymat du don de sang et l'article L. 666-7 précise qu'aucune information permettant d'identifier à la fois celui qui a fait don de son sang et celui qui l'a reçu ne peut être divulguée.

 Dans le cadre d'une procédure contentieuse, l'établissement de transfusion sanguine doit être en mesure de fournir à l'expert médical désigné par le magistrat instructeur les données non directement nominatives relatives au statut sérologique du don transfusé et au statut sérologique du donneur. En aucun cas, l'identité du donneur ne doit être communiquée à ce stade.

 Toutefois, il est précisé que dans l'hypothèse où la manifestation de la vérité imposerait que des données nominatives, identité du donneur notamment, soient saisies, celles-ci doivent l'être dans le cadre d'une procédure de scellés fermés conformément à la circulaire du 6 janvier 1995 adressée aux parquets par le garde des sceaux. Afin d'assurer le respect du principe d'anonymat, ces données ne sont pas versées au dossier de l'instruction accessible aux parties mais sont confiées à l'expert désigné par le juge en qualité de médecin soumis au secret professionnel. Cet expert, s'il en est expressément requis, diligente les examens qui lui apparaissent appropriés afin d'établir la nocivité ou l'innocuité des produits en cause mais l'identité des donneurs ne figure en aucun cas dans son rapport d'expertise.

 Nous vous serions obligés de prendre, en ce qui vous concerne, toutes les dispositions utiles pour la bonne application des règles rappelées ci-dessus. Vous voudrez bien nous tenir informés des difficultés concrètes que vous pourriez rencontrer dans leur mise en oeuvre.

 Par ailleurs, il est précisé que les pouvoirs publics prendront, s'il en est besoin, en cas de difficultés financières des établissements de transfusion sanguine, les mesures nécessaires pour que le paiement des indemnités que ces établissements pourraient être condamnés à verser à des victimes de contaminations liées à une transfusion soit toujours assuré.


Références :

Articles R. 666-12-11 et R. 666-12-13, R. 710-2-1, R. 710-2-2, R. 710-2-9 et R. 710-2-10 du code de la santé publique ;
Circulaire DH/DGS/3B/47 du 15 janvier 1992 relative au suivi de la sécurité transfusionnelle entre les établissements de transfusion sanguine et les établissements de soins ;
Arrêté du 22 septembre 1993 portant homologation du règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de prélèvement ;
Décret n° 94-68 du 24 janvier 1994 relatif aux règles d'hémovigilance ;
Circulaire DGS/DH n° 40 du 7 juillet 1994 relative au décret n° 94-68 du 14 janvier 1994 sur l'hémovigilance transmettant la directive technique n° 1 de l'Agence française du sang du 14 juin 1994 relative au contenu et aux modalités de transmission de la fiche d'incident transfusionnel ;
Arrêté du 4 août 1994 portant homologation du règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de distribution ;
Circulaire DGS/DH n° 92 du 30 décembre 1994 transmettant la directive technique n° 2 de l'Agence française du sang du 8 décembre 1994 relative à la traçabilité des produits sanguins labiles ;
Arrêté du 4 janvier 1995 portant homologation du règlement de l'Agence française du sang relatif aux bonnes pratiques de qualification biologique des dons ;
Circulaire DGS/DH n° 96-499 du 6 août 1996 relative à la conduite à tenir en cas de découverte d'une séroconversion ou d'une sérologie positive chez un receveur de produits sanguins labiles ainsi qu'aux suites à donner aux demandes d'enquêtes des établissements de transfusion sanguine sur les receveurs de produits sanguins labiles présentant un risque viral.
 
 

Le Ministre du travail et des affaires sociales. Direction générale de la santé. Direction des hôpitaux. Agence française du sang.

Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information et diffusion aux établissements de transfusion sanguine]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour information et diffusion aux établissements de santé]) ; Mesdames et Messieurs les directeurs d'agence régionale de l'hospitalisation (pour information).