Dans la presse…
Pierre MONCHARMONT
L’existence d’états réfractaires après transfusion de plaquettes reste, malgré les progrès accomplis dans le domaine de l’immunologie plaquettaire, un problème important en pratique quotidienne transfusionnelle. Des auteurs néerlandais ont tenté d’évaluer l’impact clinique de cette situation et ont établi une corrélation entre l’hémorragie et la survie (Kerskhoffs et al. The clinical impact of platelet refractoriness : correlation with bleeding and survival. Transfusion 2008, 48 : 1959-1965). Les auteurs ont inclus 117 patients âgés de plus de 18 ans, ne présentant pas d’immunisation anti-HLA et/ou anti-plaquettes spécifique (HPA), ni thrombopénie immune et pour lesquels un besoin de plus de deux transfusions de plaquettes était prévisible. Un cycle d’inclusion comportait 30 jours et/ou huit transfusions de plaquettes. Ils ont reçu des plaquettes stockées, soit dans leur plasma, soit dans une solution conservatrice. Tous les patients, sauf un, présentaient des pathologies onco-hématologiques ou hématologiques. Trente et une greffes de cellules souches allogèniques ont été effectuées chez ces patients. Un total de 486 concentrés de plaquettes a été administré. Au moins un échec de la transfusion de plaquettes a été observé chez 58 patients soit 49,6%. Parmi ceux-ci, 31% présentaient un seul échec et 69 % plus d’un. Les patients avec antécédents hémorragiques, complications hémorragiques, fébriles et infectieuses présentaient un risque plus important d’échec. Vingt deux patients ont présenté une hémorragie (grade 1 et 2 selon la classification OMS). Aucun décès n’a été observé lors d’un premier cycle d’inclusion. L’échec de la transfusion plaquettaire est significativement lié aux complications hémorragiques (odds ratio 3,4 ; intervalle de confiance 95 %) mais pas à l’intensité de la thrombopénie. Sur 110 patients chez lesquels le corrected count increment (CCI) à 24 heures post-transfusionnelles a pu être déterminé, 49 ont présenté un ou plusieurs échecs transfusionnels. Le taux de survie à 100 jours est significativement plus faible dans le groupe avec échec (83% contre 98% dans le groupe sans échec). La médiane des survies est à 491 jours pour le premier groupe contre 825 pour le second. Les auteurs notent que cet effet est plus marqué chez les patients atteints de leucémie aiguë myéloblastique. S’il existe une association entre l’état réfractaire, la survenue d’hémorragie et la réduction de la survie, il n’y pas de relation causale entre le décès et l’échec de la transfusion de plaquettes ou l’hémorragie. Les auteurs mettent en avant les dommages endothéliaux comme éléments pouvant être à l’origine des échecs transfusionnels et de la réduction de la survie.
Toujours dans le domaine de la transfusion de plaquettes, des auteurs américains viennent de proposer une piste intéressante dans le cadre des unités de soins intensifs néonatales (Christensen et al. Improving platelet transfusion practices in neonatal intensive care unit. Transfusion 2008, 48 : 2281-2284). Partant du constat que le nombre de concentrés plaquettaires administrés en unité de soins intensifs néonatale est un facteur prédictif de mortalité et que l’écrasante majorité des concentrés transfusés le sont à titre prophylactique lorsque le taux de plaquettes est en dessous d’un seuil limite arbitraire, les auteurs s’interrogent sur les risques et les bénéfices des pratiques. Versant risques, ils mettent en avant la transmission de maladies infectieuses, l’aggravation de la nécrose intestinale lors de l’entérocolite nécrosante, le TRALI, … Versant bénéfices, si plus de 50% des nouveau-nés de très petit poids de naissance (<1000g) reçoivent des transfusions multiples de plaquettes à titre prophylactique, les bénéfices ne semblent pas validés. Les recommandations en matière de transfusion plaquettaire sont fréquemment non suivies (dans 31 à 60 % des cas selon les études) et l’hypothèse avancée est leur imperfection. Les auteurs proposent d’utiliser un autre critère que la numération plaquettaire. La valeur du produit, numération plaquettaire x taille des plaquettes correspond à la masse plaquettaire. Avec des plaquettes normales, celle-ci reflète leur efficacité hémostatique. Elle pourrait être employée comme critère. Les auteurs montrent qu’il existe une réduction du nombre de transfusion de plaquettes à l’échelon global avec ce critère. Ainsi, au sein de trois unités de soins intensifs, 215 transfusions de plaquettes ont été réalisées en une année (2006). Si les recommandations préconisées étaient effectivement suivies, seules 148 transfusions auraient été effectuées. En ajoutant aux recommandations le critère masse plaquettaire, seulement 99 transfusions plaquettaires auraient été réalisées. Une réduction plus marquée est observée chez les nouveau-nés présentant un état clinique instable (46 transfusions contre 83). Les auteurs soulignent qu’outre la diminution des coûts, l’utilisation du critère masse plaquettaire, critère qui reste à valider, permettrait de maintenir la disponibilité du produit et améliorerait l’évolution clinique des patients.
La mise en route de la détermination du taux d’hémoglobine avant le don de sang a entraîné une modification des pratiques et soulevé différents problèmes, en particulier l’ajournement au don en raison d’un taux d’hémoglobine trop faible. L’impact de cette mesure conjuguée à des difficultés de recrutement de donneurs a conduit des auteurs norvégiens à comparer le statut du fer défini par l’association du taux d’hémoglobine et du taux de ferritine sérique chez des donneurs de sang sur deux périodes, la première de 1993 à1997, la seconde de 2005 à 2006 (Rosvik et al. Iron status in Norwegian blood donor : comparison of iron status in new blood donors registred in 1993-1997 and in 2005-2006. Vox Sanguinis 2009, 96 : 49-55). Le groupe de la première période a été constitué rétrospectivement et inclus 944 donneurs premier don répartis en 522 femmes et 422 hommes. Le deuxième groupe a été constitué en prospectif et comprend 1013 donneurs, 641 femmes et 372 hommes. N’étaient éligibles que des donneurs en bonne santé satisfaisant aux critères cliniques stricts des banques de sang norvégiennes. Des critères d’ajournement utilisés ont été définis comme suit : un taux d’hémoglobine inférieur à 125 g/L pour les femmes et 135 g/L pour les hommes ; un taux de ferritine inférieur à 15 mg/L chez les hommes comme chez les femmes ; des taux d’hémoglobine et de ferritine inférieurs aux seuils ; un taux de ferritine supérieur à 200 mg/L pour les femmes et 300 mg/L pour les hommes. Aucune différence significative d’âge n’existe entre les deux groupes.
Les auteurs observent une réduction faible mais statistiquement significative du taux moyen d’hémoglobine entre les deux groupes chez les femmes, 132 g/L pour le premier et 131 g/L pour le second. Ce changement est présent dans la tranche d’âge 18-30 ans et 31-45 ans. Le taux de femmes anémiques (taux d’hémoglobine inférieur à 115 g/L) est plus élevé dans le second groupe (2,2 %) que dans le premier (0,6 %). Inversement chez les hommes, le taux moyen d’hémoglobine augmente (150 g/L dans le second groupe contre148 g/L dans le premier).
Sur le plan du taux de ferritine, chez les femmes, il existe une réduction très significative du taux moyen de ferritine dans le deuxième groupe (26,9 mg/L contre 30,9 mg/L dans le premier). Dans le deuxième groupe, 20,7 % des femmes ont un stock de fer « vide » (défini par un taux de ferritine inférieur à 15 mg/L) contre 13,2 % dans le premier. Le passage de valeurs hautes à des valeurs basses est plus fréquemment observé dans le tranche d’âge 18-30 ans. Chez les hommes, aucune différence n’est notée entre les deux groupes
Sur la base du critère taux d’hémoglobine, le taux d’ajournement au don chez les femmes a augmenté dans le deuxième groupe à 23,7 % contre 13,8 % dans le premier groupe. Ce critère représente la seule cause significative d’accroissement du taux d’ajournement. Aucune différence en matière de taux d’ajournement n’a été notée chez les hommes.
La comparaison sur les deux périodes retenues montre l’existence d’une tendance négative sur le statut du fer en dix années chez les femmes, tendance expliquée par une réduction des stocks de fer (chute de 12,9 % du taux moyen de ferritine) qui touche préférentiellement la tranche d’âge 18-30 ans. Les auteurs montrent que l’utilisation de marqueurs complémentaires (mesure du contenu en hémoglobine des réticulocytes et dosage du récepteur à la transferrine soluble dans le sérum) représentant des indicateurs précoces d’érythropoièse avec déficit en fer (augmentation du second marqueur, puis diminution du premier) auraient un intérêt notamment pour les femmes candidates au don du sang avec un taux d’hémoglobine au voisinage du seuil (125 g/L) ou un taux de ferritine limite.
Un forum international concernant les donneurs avec phénotype érythrocytaire rare apporte des réponses intéressantes en pratique (Reesink et al. Donors with a rare pheno (geno) type. Vox Sanguinis 2008, 95 : 236-253). Un questionnaire a été élaboré. Cinq items ont été évalués, incluant la définition d’un donneur rare, l’existence d’une ou plusieurs structures gérant les donneurs rares et/ou la congélation de tels concentrés érythrocytaires, la disponibilité des unités en cas de demande, l’appel à une autre structure pour satisfaire une demande, les difficultés rencontrées, la possibilité ou non d’utiliser des unités pour lesquelles certains tests n’ont pas été réalisés. Dix sept réponses ont été obtenues.
Des divergences sur la définition du donneur rare persistent. Dans pratiquement tous les pays, un panel de donneurs de groupe rare est disponible. Sur les cinq dernières années, 52 des 53 demandes formulées pour obtenir des concentrés érythrocytaires dans une structure autre que celle ayant reçu la demande ont été satisfaites. Les problèmes les plus importants relèvent de la logistique, en particulier lors d’une demande extérieure. L’attitude préconisée vis à vis des unités congelées en cas d’absence de certains tests varie.
Pierre MONCHARMONT