Dans la presse...
Chez les nouveau-nés de très petit poids de naissance (< 1500g), l’apparition d’une hémorragie cérébrale intra-ventriculaire est une complication grave que ce soit par le risque de décès ou par les séquelles invalidantes à long terme. La détection des facteurs de risque et les mesures préventives qui peuvent en découler sont particulièrement importantes pour éviter l’apparition de cette complication. Une étude américaine vient de se pencher sur le rôle potentiel de la transfusion de concentrés érythrocytaires dans l’apparition d’une hémorragie cérébrale intra-venticulaire chez ces nouveau-nés (Baer et al. Among very-low-birth-weight neonates is red blood cell transfusion an independent risk factor for subsequently developing a severe intraventricular hemorrhage ? Transfusion 2011;51:1170-1178).
L’étude a été réalisée dans trois centres de néonatalogie entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2008 et a inclus des nouveau-nés avec une échographie cérébrale initiale normale puis apparition ultérieure d’une hémorragie intra-venticulaire sévère à l’échographie (grade 3 ou 4). Un groupe contrôle, matché sur plusieurs critères dont l’âge gestationnel, le poids de naissance, le sexe,… a été constitué. Dans ce groupe, aucune hémorragie intra-ventriculaire n’a été observée la première semaine et ultérieurement, la période de suivi couvrant approximativement un mois. Des recommandations concernant la transfusion des concentrés érythrocytaires étaient en vigueur depuis 2002 dans ces établissements et ont été révisées en 2004. Le seuil de transfusion pour les globules rouges était fixé par le taux d’hématocrite en fonction du type de ventilation (par exemple, 35% pour un patient sous ventilation mécanique). Pour les plaquettes, le seuil était de 100 x 109/L et pour le plasma, l’administration était effectuée si l’enfant présentait une hémorragie ou une coagulopathie.
Sur la période étudiée, 1478 enfants ont été reçus et 184 (12%) ont développé une hémorragie intra-ventriculaire sévère. Un total de 54 enfant avaient eu au moins une échographie cérébrale normale avant l’apparition de l’hémorragie. Quarante sept enfants avaient une hémorragie intra-ventriculaire bilatérale (87%) dont 30 de grade 3 et 10 de grade 4 des deux côtés. Il n’existait pas de différence statistiquement significative avec le groupe contrôle en matière clinique et biologique, sur les 48 premières heures post natales (temps de thrombine, taux de fibrinogène,…).
Sur le plan transfusionnel, les enfants atteints avaient reçu plus de plasma frais congelé et de transfusion de plaquettes que les contrôles sur les 48 premières heures de vie. La majorité de ces transfusions avaient été effectuée avant le diagnostic de l’hémorragie intra-ventriculaire de grade 3 ou 4 (88% et 90% pour les plaquettes et le plasma respectivement).
Sur le plan infectieux, aucune différence n’était notée entre les deux groupes du point de vue des infections confirmées. Mais la durée du traitement antibiotique à l’ampicilline augmentait de 14% le risque d’hémorragie intra-ventriculaire par jour d’administration. Des taux de réticulocytes plus élevés et l’emploi de vasoconstricteurs étaient plus fréquents que chez les contrôles. Enfin, le taux de décès était plus important chez les enfants atteints.
Le pourcentage de nouveau-nés atteints ayant reçu des transfusions érythrocytaires dans les 24 premières heures de vie était de 59% contre 36% pour les cas contrôles. La différence était statistiquement significative. Il en était de même à 72 heures, 89% contre 69%. Dans la quasi-totalité des cas (52/54, 94%), la chronologie était la suivante : échographie crânienne normale, transfusion érythrocytaire puis présence d’une hémorragie intra-ventriculaire sévère à l’échographie. Le taux d’hémoglobine avant la première transfusion était similaire dans les deux groupes (107 g/L contre 111 g/L pour les contrôles). L’analyse statistique réalisée montre une interaction importante entre transfusion érythrocytaire et risque d’hémorragie intra-ventriculaire. En régression logistique, durant la première semaine, chaque transfusion érythrocytaire doublait le risque d’hémorragie intra-ventriculaire (risque relatif, 2,2) et en analyse de sensibilité, il existait une probabilité élevée d’augmentation du risque de développement d’hémorragie intra-ventriculaire sévère par la transfusion érythrocytaire. Ce risque était indépendant d’autres facteurs, dont le taux d’hémoglobine.
Dans la discussion, les auteurs tentent d’apporter des éléments pouvant expliquer leurs observations. Ils abordent notamment le problème de lésions des hématies lors du stockage (déformabilité, adhésion, agrégation,…). Une autre hypothèse avancée porte sur le déficit en oxyde nitrique des hématies stockées. Ce déficit réduit la capacité de vasodilation des hématies favorisant vasoconstriction et ischémie et diminuant la perfusion dans la micro-vascularisation cérébrale.
Les auteurs mettent en avant plusieurs limites à leur étude, notamment, la difficulté de déterminer exactement le moment de survenue de l’hémorragie, l’impossibilité d’étude de tous les cas avec hémorragie intra-ventriculaire sévère (absence d’échographie normale antérieure, problème d’existence d’un biais), l’inclusion sous le même terme des grades 3 et 4 (différences importantes pouvant exister dans la pathogénèse des deux stades), pathologie plus sévère des enfants transfusés,…
La prévention et le traitement des coagulopathies observées chez des patients recevant des transfusion massives sont des sujets qui préoccupent les cliniciens, particulièrement les réanimateurs. Des progrès significatifs ont été récemment accomplis dans ce domaine et un forum international, comportant de nombreuses informations, vient d’être publié (Levi et al. Prevention and treatment of coagulopathy in patients receiving massive transfusions. Vox Sanguinis 2011;101:154-174).
Un ensemble de cinq questions a été soumis et 12 réponses ont été obtenues. La première question portait sur la définition de la transfusion massive et la seconde abordait l’aspect thérapeutique en partant des recommandations officielles : sont-elles ou non suivies ? La troisième question s’intéressait à l’utilisation de protocoles thérapeutiques « plus agressifs », notamment l’administration de plaquettes et de plasma frais congelé. Il était demandé quel ratio plasma frais congelé / globules rouges était appliqué. Une description détaillée de la politique transfusionnelle était sollicitée. La quatrième question explorait les paramètres de coagulation utilisés et les tests employés et le temps d’exécution acceptable. Pour les tests conventionnels, il était demandé s’ils étaient satisfaisants dans ce contexte. La dernière question s’intéressait à l’existence d’une preuve d’amélioration de l’issue clinique lors d’un traitement « plus agressif » (au regard de l’administration de plasma frais congelé et de plaquettes).
Un premier constat : si quelques participants emploient encore la définition standard de la transfusion massive (par exemple 10 unités de globules rouges en 24 heures), beaucoup utilisent une autre définition, en particulier pour la période d’administration des transfusion qui doit être raccourcie.
Deuxième constat intéressant : les recommandations officielles sont rarement suivies. Pour la grande majorité des participants, la thérapeutique transfusionnelle doit être plus agressive. L’administration de plasma frais congelé et de plaquettes doit être réalisée au stade précoce, sans attendre les résultats des examens de laboratoire. L’attention est attirée par certains participants sur l’importance de l’hypofibrinogènémie et de son traitement. La nécessité d’études randomisées réalisées rapidement pour évaluer le rôle de la substitution par du fibrinogène chez les patients lors des pertes sanguines excessives est mise en avant.
Les tests conventionnels sont généralement considérés comme inadaptés pour la prise en charge et le suivi des coagulopathies. Les nouveaux tests, dont le thromboélastogramme, sont maintenant employés par presque tous les participants. L’adoption d’une thérapeutique transfusionnelle agressive et d’un suivi par les nouveaux tests diminue, semble-t-il, la morbidité et la mortalité. Mais, si cette conduite a été adoptée par la plupart des participants, paradoxalement, plusieurs
demeurent septiques quand à son développement notamment en raison des effets indésirables des transfusions de plasma frais congelé et de plaquettes (TACO, TRALI, réactions allergiques, contamination bactériennes). Des études prospectives sont indispensables pour clarifier la situation.
La conscience plus élevée portant sur l’importance des coagulopathies chez les patients recevant des transfusions massives est réelle. Elle a conduit à une approche transfusionnelle plus agressive. Mais, que cette conduite entraîne une diminution de la morbidité et de la mortalité, demeure encore incertain.
Une récente revue sur l’intérêt clinique du système HLA en transfusion expose, avec une présentation synthétique et actualisée, les différentes complications transfusionnelles liées à ce système, dont certaines peuvent être graves (par exemple le TRALI) (Brown et al. Clinical relevance of the HLA system in blood transfusion. Vox Sanguinis 2011;101:93-105). Les auteurs notent que les tests de détections des anticorps anti-HLA ont considérablement progressé du point de vue de la sensibilité et de la spécificité. Ces progrès ont permis une amélioration des investigations lors de réactions transfusionnelles du point de vue du diagnostic mais également la mise en place de plusieurs mesures (par exemple l’emploi de produits anticorps anti-HLA négatif). Les différentes complications (réaction fébrile non hémolytique, état réfractaire dans la transfusion plaquettaire, TRALI, maladie du greffon contre l’hôte post-transfusionnelle, immuno-modulation induite par la transfusion) sont développées et pour certaines (état réfractaire dans la transfusion plaquettaire, TRALI), des logigrammes d’aide pour les investigations biologiques sont présentés.
Pour les amateurs de science…
Les nouvelles technologies en matière de réduction de pathogènes apparues récemment ont amené les établissements de transfusion sanguine et les prescripteurs de produits sanguins labiles à s’interroger sur l’efficacité de ces technologies en matière de prévention de la maladie du greffon contre l’hôte post-transfusionnelle chez les receveurs en situation d’immunodépression. Actuellement, cette prévention est réalisée par l’irradiation pré-transfusionnelle des produits sanguins labiles en vue de rendre inopérant les lymphocytes viables et fonctionnels du donneur présents dans le produit. Une équipe américaine vient de montrer, en utilisant différents tests et marqueurs, qu’une technique de réduction de pathogènes (riboflavine + rayons ultraviolet) était plus efficace que l’irradiation gamma pour éliminer certaines fonctions immunes des leucocytes (Fast et al. Inactivation of human white blood cells in platelet products after pathogen reduction technology treatment in comparison to gamma irradiation. Transfusion 2011:51:1397-1404).
Les auteurs montrent que l’irradiation gamma ou le traitement par riboflavine + rayons ultraviolet réduit de manière similaire la capacité de prolifération des lymphocytes T d’un facteur de 6 log ou plus.
Du point de vue de la production de cytokines pro-inflammatoires, des lymphocytes T irradiés restent capables de secréter ces molécules en quantités comparables à celles des cellules non traitées. Le traitement par riboflavine + rayons ultraviolet réduit significativement la quantité de cytokines sécrétées en présence ou en l’absence d’une stimulation. Le lecteur est invité à se reporter à l’article pour plus de détails.
Pierre MONCHARMONT