Dans la presse...
Les immunoglobulines humaines polyspécifiques intraveineuses (IgIV) sont utilisées chez les patientes porteuses d’une allo-immunisation anti-plaquettes au cours d’une grossesse avec fœtus incompatible en vue de prévenir une thrombopénie fœtale et néonatale sévère. Certaines équipes pratiquent une ponction de sang fœtal pour numération plaquettaires et transfusion de plaquettes in utero si nécessaire. Mais ce geste comporte un risque important pour le fœtus. Des résultats discordants en matière d’amélioration de la numération plaquettaire fœtale lors de l’injection transplacentaire d’IgIV ont été observés. Emettant l’hypothèse que l’échec de l’administration maternelle d’IgIV serait lié à une modification inactivant les IgG lors du passage trans-placentaire, les auteurs ont rétrospectivement recruté une cohorte de dix patientes porteuses d’allo-anticorps anti-plaquettes dont le fœtus a été traité par injection directe d’IgIV et observé l’impact sur la numération plaquettaire fœtale (Giers et al. Repeated intrauterine IgG infusions in fœtal alloimmune thrombocytopenia do not increase fœtal platelet counts. Vox sanguinis 2010;99:348-53).
Entre 1997 et 1999, dix patientes avec allo-immunisation anti-plaquettaire (9 avec anti-HPA-1a et 1 avec anti-HPA-3a) présentant des antécédents de thrombopénie fœtale et néonatale pour neuf d’entre elles et de deux fausses couches pour l’une ont été étudiées rétrospectivement. Les fœtus ont reçu chaque semaine des IgIV à la dose de 1g/kg (le poids du fœtus a été estimé) par perfusion intra-utérine. Le traitement a été débuté entre la 17 ème et la 25 ème semaine de gestation et poursuivi jusqu’à l’accouchement (médiane à 36 semaine de gestation). L’accouchement a eu lieu par césarienne. Jusqu’à 4 heures avant l’accouchement, une transfusion intra-utérine de plaquettes a été pratiquée. Quatre vingt seize ponctions de cordon ont été réalisées (entre 4 et 16 selon les cas), sans perte de fœtus. Aucun signe clinique de thrombopénie fœtale et néonatale n’a été observé chez les nouveau-nés.
Les taux d’IgG des fœtus ont augmenté significativement suite à ces perfusions. Chez la mère, par contre, les taux d’anticorps anti-plaquettes et d’IgG ne se sont pas modifiés de façon significative.
Du point de vue de la numération plaquettaire fœtale, la moyenne de la première numération était de 18,8 x 10 9/L contre 19,0 x 10 9/L pour la dernière numération pratiquée avant la transfusion de plaquettes précédant la césarienne. L’administration d’IgGIV directement au fœtus ne permet pas d’obtenir une augmentation significative de la numération plaquettaire.
Cette étude rétrospective sur un nombre limité de patiente est intéressante car elle montre que l’administration par un geste invasif d’IgIV au fœtus n’apporte pas d’amélioration de la numération plaquettaire fœtale durant toute la durée du traitement.
Le lien entre transfusion et apparition d’un cancer est une interrogation récurrente qui a contribué à de nombreuses études. Une équipe américaine vient de réaliser une méta-analyse qui montre une association entre transfusions de concentrés érythrocytaires et lymphome non hodgkinien (Castillo et al. Association between red blood cell transfusions and development of non-Hodgkin lymphoma : a meta-analysis of observational studies, Blood 2010;116:2897-2907). Partant du constat que le nombre de lymphomes non-hodgkiniens croît de 2 à 3% par an depuis le milieu des années 70, avec une vitesse d’accroissement en seconde position en matière cancer (la première étant occupée par le mélanome), que les facteurs pouvant expliquer ce phénomène restent largement inconnus, que le nombre de transfusions par an augmente et que les transfusions de concentrés érythrocytaires ont des effets immunologiques, les auteurs ont, après une sélection rigoureuse, inclus 14 articles dans cette méta-analyse. Les auteurs précisent, qu’en raison d’une physiopathologie différente, le lymphome de Hodgkin et le myélome multiple ont été exclus de cette méta-analyse. Elle est basée sur des études cas-contrôles (9 articles) et de cohortes (5 articles). Les articles d’études cas-contrôles ont été publiées entre 1996 et 2008 (6 études américaines, 3 européennes). Les auteurs ont inclus dans la méta-analyse 5904 cas et 10107 contrôles. Pour les études de cohortes, les articles ont été publiés entre 1993 et 2009 (3 études européennes, 2 américaines). Un total de 3883 cas sur une cohorte de 1 134 089 sujets a été obtenu.
Au sein des études cas-contrôles, le risque relatif de développer un lymphome non-hodgkinien après transfusions de concentrés érythrocytaires était de 1,05 et des études de cohorte de 1,34. En combinant les études, ce risque relatif atteignait 1,2.
Plusieurs paramètres ont été inventoriés : le sexe, le sous-types de lymphome, l’année de la transfusion, le temps de latence par rapport à la transfusion, le nombre et le type de transfusions, les motifs de la transfusion.
Chez les femmes (résultats obtenus à partir de 5 études), le risque relatif était de 1,26 et chez les hommes (4 études), il était de 1,19. Pour le sous-type de lymphome, le risque relatif le plus élevé a été observé pour la leucémie lymphocytaire chronique/lymphome lymphocytaire à petites cellules à 1,66 (5 études).
En ce qui concerne l’année de la transfusion, sur un total de 9 études, les transfusions administrées aux patients couvraient une période allant de 1957 à 1991 et sur les 5 restantes des transfusions pratiquées en 1992 et au delà. En poolant les études, le risque relatif avec des transfusions antérieures à 1992 était de 1,24 et après 1992 à 1,3.
Enfin, pour les deux derniers paramètres (nombre et type de transfusions et motifs des transfusions), la diversité des données était importante.
Les auteurs notent que, si globalement, un lien entre transfusion et lymphomes non hodgkiniens peut être établi, une association statistiquement significative n’est observée que dans les études de cohortes. L’association forte constatée entre transfusion et la leucémie lymphocytaire chronique/lymphome lymphocytaire à petites cellules doit être nuancée : vraie association ou pathologie présente mais indolente, donc non diagnostiquée avant la transfusion ?
L’accroissement du risque quelque soit la période (avant et après 1992) reflète probablement les effets immuno-modulateurs de la transfusion, effets présents en dépit de la déleucocytation et des dépistages viraux mis en pratique. Pour ce point, des compléments d’étude seraient à réaliser afin de détecter d’autres facteurs impliqués (solutions de conservation, plastique, …).
Enfin, les auteurs précisent qu’un facteur n’a pas été évalué, l’âge des concentrés érythrocytaires transfusés.
Bien que la qualité des études publiées présente des limites, les patients transfusés avec des concentrés érythrocytaires homologues ont un risque modérément augmenté de développer un lymphome non-hodgkinien et plus particulièrement une leucémie lymphoïde chronique/lymphome lymphocytaire à petites cellules. Ce risque est présent chez les femmes comme chez les hommes, que les transfusions aient été pratiquées avant ou après 1992. Compte tenu de l’augmentation annuelle des transfusions de concentrés érythrocytaires, un risque potentiel d’accroissement du nombre de cas de ce type de pathologie lié à ce facteur existe. De ce fait, les auteurs préconisent en matière de transfusions une attitude conservatoire.
Un forum international vient d’aborder un point intéressant relatif à l’hémovigilance : l’emploi optimal des produits sanguins à l’hôpital, est-il ou peut il être du ressort de l’hémovigilance ? La fonction principale de l’hémovigilance est de collecter les incidents et les effets indésirables ou inattendus de la transfusion. A l’aide d’un questionnaire très court (deux questions) adressé aux autorités compétentes de plusieurs pays, cet aspect de l’hémovigilance a été abordé en incluant la manière dont il doit être organisé. (Reesink et al. Haemovigilance for the optimal use of blood products in the hospital. Vox Sanguinis 2010;99:278-293).
La première question très simple portait sur l’existence ou non d’un système d’hémovigilance dans le pays et si oui, la prise en charge de l’utilisation optimale des produits sanguins y était-elle incluse ? En cas de réponse négative, il était recherché si cet aspect devrait être intégré et, si oui, cette intégration était-elle envisagée ?
La deuxième question abordait l’organisation de la prise en charge de l’utilisation optimale des produits sanguins actuelle ou attendue : par les correspondants d’hémovigilance des hôpitaux, par le recours à des audits à l’hôpital pour vérifier l’usage des produits sanguins et sa conformité avec les recommandations, par d’autres méthodes.
Seize pays ont répondu à ce questionnaire. Pour trois pays, l’Argentine, le Japon et l’Australie, le système d’hémovigilance était soit inexistant à l’échelon national pour le premier, installé à partir de 1993 pour le second et en cours d’installation au niveau national pour le troisième. Le recueil des incidents et effets indésirables de la transfusion est la tâche initialement confiée à l’hémovigilance avec mise en place de comités transfusionnels dans les institutions et de correspondants d’hémovigilance à l’hôpital.
L’opinion quasi générale est que l’usage optimal des produits sanguins doit être une partie de l’hémovigilance ou que cette idée doit être activement diffusée. Trois pays ont donné cette mission à l’hémovigilance : la Belgique, l’Irlande et les Pays Bas. Des recommandations nationales sur ce sujets existent dans ces trois pays. La Pologne est en cours de démarche. Seuls le Canada, la Nouvelle Zélande et l’Australie n’envisagent pas actuellement cette intégration.
La réalisation de cette mission repose ou reposera sur la création de comités transfusionnels et la nomination de correspondants d’hémovigilance dans les établissements hospitaliers, la mise à disposition de recommandations, la formation des cliniciens et des personnels des laboratoires et la réalisation d’audits. L’utilisation de produit en dehors des recommandations devra être cliniquement justifiée. Cette politique permet d’économiser des produits sanguins.
La lecture des différentes réponses apporte des compléments d’information utiles.
La procréation médicalement assistée et l’essor des techniques dans ce domaine conduit à l’apparition de situations particulières. Ainsi, une équipe italienne a rapporté un cas de maladie hémolytique ABO chez des jumeaux suite à un don d’embryons (Zuppa et al. ABO hemolytic disease of the fetus and newborn: an iatrogenic complication of heterologous assisted reproductive technology-induced pregnancy. Transfusion 2010;50:2102-04). L’intérêt de ce cas est de montrer que lors de l’utilisation de ces techniques, la ségrégation n’est pas toujours facile à expliquer du point de vue des groupes sanguins et notamment ABO (mère O RH1, père AB RH1, jumeaux AB RH-1) !
Pierre MONCHARMONT