Afin d’améliorer sa prévention, le « Transfusion-Related Acute Lung Injury » (TRALI) est l’objet, ces dernières années, de nombreuses études tant du coté du receveur que du donneur. Une équipe suédoise vient de tenter de répondre à la question « Le plasma collecté chez les femmes doit-il être-il évité ? » (Tynell et al. Should plasma from female donors be avoided ? A population-based cohort study of plasma recipients in Sweden from 1990 through 2002. Transfusion 2010;50:1249-56). L’intérêt de cette étude est d’emblée double par la longue période d’analyse retenue et par la taille de la cohorte évaluée.
Parmi les critère d’inclusion des receveurs, figuraient une première transfusion de plasma homologue entre le 1 er janvier 1990 et le 31 décembre 2002 et un âge de 18 ans ou plus. Le receveur considéré comme « exposé » était celui ayant reçu du plasma prélevé chez une donneuse. Le suivi après transfusion de la première unité de plasma homologue comportait les 14 premiers jours pour identifier tous les décès. Le critère primaire de devenir était le décès quelque soit la cause. Une analyse du décès avec diagnostic comportant une atteinte du système cardiovasculaire et/ou respiratoire et un effet indésirable a également été réalisée. Les patients décédés le jour de leur première transfusion de plasma ont été analysés à part.
La cohorte incluait 92565 receveurs issus de 30 hôpitaux suédois. L’âge médian était de 70 ans avec plus d’hommes (55,0%) que de femmes (45,0%). Les patients avaient reçu une moyenne de 4,4 plasmas. Une majorité de patients (68,0%) a été exposée à au moins une unité de plasma prélevée chez une donneuse. Sur la période des 14 premiers jours post-transfusionnels, 7800 patients étaient décédés, soit 8,43%. Les pourcentages de décès entre le groupe exposé et le non exposé étaient respectivement de 8,85% et 7,53%. La mortalité augmentait chez les receveurs de 5 unités de plasmas ou plus : 10,9% dans le groupe exposé versus 9,4% dans le groupe non exposé.
Mille neuf cent quarante deux receveurs étaient décédés le premier jour (étude réalisées dans les hôpitaux pour lesquels un suivi d’au moins 1000 receveurs a été obtenu). De nouveau, le taux de décès était supérieur parmi les patients exposés (2,3%, 1377 décès sur 58739 patients) par rapport aux patients non exposés (1,6%, 565 décès sur 35769 patients). Les risques relatifs, toutes causes de décès confondues, étaient, chez les patients exposés transfusés avec 3 à 4, 5 ou plus unités de plasma, respectivement de 1,16 et 1,32. Ils atteignaient, si la cause de décès était liée à l’appareil cardiovasculaire ou respiratoire ou à un effet indésirable, 1,47 et 1,72 (1477 décès sur les 7800 décès recensés). A contrario, avec la même analyse, le risque relatif n’était pas augmenté si le patient avait reçu une ou deux unités de plasma issu de donneuses.
Chez les patients décédés le jour de leur première transfusion de plasma, le risque relatif de décès avec le plasma de donneuse était plus élevé en comparaison avec les receveurs survivants. Les auteurs estiment que, si seulement du plasma mâle était utilisé, 8,8 décès en moins pour 10000 patients seraient obtenus.
Dans la discussion, les auteurs notent que le risque de décès n’est augmenté que chez les patients ayant reçu 3 unités de plasma de donneuses ou plus. Le nombre total d’unités reçues présente un facteur de confusion potentielle : les patients avec une pathologie grave ont un risque plus élevé de recevoir plus d’unité de plasma prélevées chez des donneuses. Le facteur « distribution non au hasard » d’unités prélevées chez des donneurs ou des donneuses à des patients avec des pronostics différents ne peut être éliminé.
L’utilisation de plasma prélevé chez des donneuses est à l’origine, chez les receveurs, d’une perte de survie à court terme.
Connaître l’impact de l’introduction du dépistage d’un marqueur de maladie infectieuse transmissible en transfusion présente un intérêt pour apprécier la pertinence de la mesure prise. Une équipe japonaise a étudié l’évolution de la fréquence des infections par le virus de l’hépatite C (VHC) chez les femmes enceintes après l’introduction, fin 1989, du dépistage des anticorps anti-VHC chez les donneurs de sang (Ohto et al. Declining hepatitis C virus (HCV) prevalence in pregnant women : impact of anti-HCV screening of donated blood. Transfusion 2010;50:693-700). Entre mai 1990 et novembre 2004, dans quinze cliniques de la région de Fukushima, une cohorte incluant des femmes au premier trimestre de leur grossesse, sans critère particulier de sélection, a été constituée.
Sur 29581 échantillons sanguins collectés 22664 ont été retenus pour être analysés. Sur ces 22664 femmes, 532 faisaient état de transfusion sanguine confirmée ou possible. Des données médicales ont pu être obtenues chez 251 femmes. Aucune des femmes étudiées n’était porteuse d’anticorps anti-VIH.
Cent trois femmes (0,5%) présentaient un résultat positif pour les anticorps anti-VHC. Le taux de positivité était plus important chez les femmes nées en ou avant 1955 (1,8%). Une diminution significative a été observée en fonction de la date de naissance. Le taux de positivité le plus faible (0,3%) était obtenu chez les femmes nées en 1966 ou après. Cinquante cinq femmes était virémiques. De nouveau, le taux de positivité était plus élevé chez les femmes nées en ou avant 1955 (1,1%). Un élément intéressant est à noter : aucune femme née en 1976 ou après n’était virémique.
En parallèle, chez les 523 femmes avec un histoire transfusionnelle confirmée ou possible pour une chirurgie ou un traumatisme, les auteurs rapportent que le taux de transfusion est corrélé à la date de naissance avec la fréquence plus élevée chez les femmes nées en ou avant 1955 (6,2%) et la plus faible chez les femmes née en ou après 1971 (1,5%). Trente et une femmes (5,8%) de ce groupe avaient un résultat positif pour les anticorps anti-VHC et le taux le plus élevé était retrouvé chez les femmes nées en 1955 ou avant (18,5%). Cependant, la transfusion, plutôt que la période, restait un facteur fort de positivité pour les anticorps anti-VHC.
Chez les 103 patientes avec anticorps anti-VHC, seulement 31 (30,0%) avaient été transfusées. Il est à noter que chez 55 femmes, soit 53,0% de l’effectif, aucun facteur de risque pour l’infection par le VHC n’a été retrouvé.
L’impact de l’introduction du dépistage des anticorps anti-VHC a pu être apprécié. Chez 251 femmes, la date de la transfusion a pu être confirmée. Sur les 155 transfusées avant l’introduction du dépistage, 23 avaient des anticorps anti-VHC (14,8%) contre 3 (3,1%) des 96 femmes transfusées après sa mise en route. Ce taux reste cependant 10 fois supérieur à celui des femmes non transfusées (0,3%). Un seul cas de transmission-mère enfant a été détecté (confirmation par séquençage).
L’introduction de la recherche des anticorps anti-VHC a permis d’observer une diminution significative des infections par ce virus chez les femmes transfusées (14,8% à 3,1%). La contamination par d’autres voies est à retenir chez 70,0% des femmes présentant une sérologie positive avec néanmoins la persistance d’un fort taux d’inconnu (53%). Enfin, selon les grandes études, le taux de contamination mère-enfant se situe entre 5 et 10%. Dans cette étude japonaise, un seul cas de ce type a été rapporté.
Au cours de la dernière décennie, les arbovirus ont occupé une place importante en transfusion, notamment, les virus de West Nile et de Chikungunya. Une excellente revue présente un ensemble pertinent de données incluant le risque de transmission transfusionnelle de ces agents et les leçons tirées de l’expérience avec le virus West Nile aux Etats Unis (les difficultés pour établir la transmission transfusionnelle, le problème du dépistage par biologie moléculaire, les inconnus concernant le rapport coût/bénéfice de ce dépistage). Les perspectives futures sont abordées, tant du point de vue des vecteurs (moustique Aedes) que des arboviroses existantes à l’état endémique sur le continent américain, en Australie, en Afrique, en Asie et en Europe. L’extension générale de ces arboviroses représente un véritable défit pour la médecine transfusionnelle (Petersen et al. Transfusion-transmitted arboviruses. Vox Sanguinis 2010;98:495-503).
Un forum international vient de s’intéresser à la préparation des concentrés de granuleux par aphérèse (Leitner et al. Preparation of granulocyte concentrates by apheresis. Vox Sanguinis 2010;98:567-575). Six questions portaient sur la sélection des donneurs, le traitement appliqué en vue de mobiliser les granuleux avant le prélèvement, la fréquence des dons, les produits utilisés pour obtenir la sédimentation des leucocytes, les tests de compatibilité et le dépistage des anticorps anti-leucocytes. Huit centres ont répondu. Il ressort de ce forum une grande hétérogénéité des pratiques. Quelques éléments communs surgissent néanmoins avec notamment l’emploi de facteurs de stimulation comme le G-CSF, le respect de la compatibilité ABO entre le donneur et le receveur. La recherche des anticorps anti-HLA n’est réalisée que dans un centre et celle des anticorps anti-neutrophile n’est pas pratiquée en routine. Les auteurs concluent sur l’avantage qu’apporterait un essai multicentrique pour harmoniser les pratiques du point de vue du traitement médicamenteux et du prélèvement.
Pierre MONCHARMONT