Actualités et perspectives

 

DANS LA PRESSE…

L’amélioration du recensement des complications liées à la transfusion implique à court, moyen et long termes la mise en place de recommandations et de moyens en vue de leur prévention. Le TRALI (transfusion-related acute lung injury), complication grave de mieux en mieux diagnostiquée, représente un exemple patent de cette nouvelle situation. Une équipe américaine a montré que la réalisation d’un test de dépistage des anticorps anti-HLA chez les donneurs de sang avec antécédents transfusionnels et chez les donneuses ayant eu une ou des grossesse antérieures était coût / efficace en matière de prévention du TRALI (Powers et al. Testing only donors with a prior history of pregnancy or transfusion is a logical and cost-effective transfusion-related acute lung injury prevention startegy. Tranfusion 2008;48:2459-2558). 

Des questions relatives à des antécédents transfusionnels ont été posées à tous les donneurs de sang total ou d’aphérèse durant 12 semaines complétées, chez les donneuses, par des questions concernant leurs antécédents obstétricaux. Un total de 2588 donneurs a accepté de participer, réparti en 1179 femmes et 1409 hommes. Sur ces 1409 donneurs, 34 ont mentionné avoir été antérieurement transfusés (2,4 %). Chez les donneuses, 28 ont signalé des antécédents de transfusion (2,8% ; réponses analysées chez 984 donneuses seulement). Sur 1179 donneuses, le sérum de 1027 d’entre elles a été testé pour le dépistage des anticorps anti-HLA de classes I et II. Dix huit sérums ont été éliminés, en raison de soit d’un test invalide (11 cas), soit d’un statut obstétrical inconnu (7 cas). Sur les 1009 donneuses restantes, 531 ont  signalé des antécédents de grossesse, avec de 0 à 7 accouchements. Enfin, parmi les 26 sérums d’hommes antérieurement transfusés qui ont pu être testés, un sérum a donné des résultats invalides.

Deux cent cinquante six des 1009 donneuses (25,4 %) et 3 des 25 donneurs (12,0 %) ont été détectés positif lors du dépistage des anticorps anti-HLA de classes I et II, soit 259 au total. Du point de vue de la spécificité, 101 sérums étaient positif uniquement pour les anticorps anti-HLA de classe I (39 %), 64 pour les anticorps anti-HLA de classe II (25 %) et 94 pour les deux classes (36 %). Chez les donneuses, le nombre de grossesses antérieures est supérieure chez les immunisées (2,5 grossesses) par rapport aux non-immunisées (0,9 grossesses). Les auteurs soulignent qu’indépendamment du nombre, l’existence de grossesses antérieures est une question discriminante pour l’alloimmunisation anti-HLA avec une valeur prédictive négative de 93,5 %. Ils constatent que le nombre d’accouchement est corrélé avec une plus grande probabilité de détecter une telle alloimmunisation.

Paradoxalement, chez les donneuses n’ayant pas mentionné d’antécédents transfusionnels ou obstétricaux (459), 27 ont eu un test de dépistage positif. Mais chez 18 d’entre elles, aucun alloanticorps de spécificité définie n’a pu être mis en évidence. Les résultats de ces échantillons ont été considérés comme des faux positif.

Chez 35 donneurs avec antécédents transfusionnels comme seul facteur d’immunisation, 5 ont été dépistés positif et 4 présentaient une réactivité proche du seuil. Pour les auteurs, la transfusion ne semble pas un événement immunisant puissant
Les dossiers de patients transfusés avec du plasma frais congelé issu de ces donneurs testés rétrospectivement mais avec des titres élevés d’anticorps anti-HLA ont été repris. Quarante unités de plasma frais congelé ont été retenue (15,3 % de l’ensemble des plasmas dépistés positif), dont 28 transfusées à 26 patients. Neuf patients parmi ces 26 ayant reçu 11 de ces unités avaient ou ont développé une atteinte pulmonaire aiguë due à un choc ou une infection ou une hypoxie liée à une atteinte cardio-pulmonaire.

Parmi treize patients avec hypoxie nouvellement apparue dans les six heures suivant la transfusion, 11 avait un facteur associé de co-morbidité (atteinte cardiaque ou surcharge volémique). Pour deux, le diagnostic de TRALI a pu être évoqué compte tenu de la symptomatologie (altération rapide de la fonction pulmonaire). Aucun cas cependant ne satisfait aux critères de consensus pour le diagnostic de TRALI. La stratégie évaluée aurait potentiellement pu éviter deux possibles TRALI. Enfin les auteurs ont établi le rapport coût / bénéfice en incluant le coût de remplacement du plasma frais congelé perdu suite à l’ajournement des donneurs et le coût de la réalisation des tests de dépistage des anticorps anti-HLA.

Le dépistage systématique des anticorps anti-HLA est l’option la plus coûteuse. Choisir un dépistage uniquement chez les donneurs ayant des antécédents pouvant être à l’origine d’une immunisation représente le scénario le moins cher sauf si le prix d’achat des produits sanguins diminue de manière substantielle.

En France, les personnes se présentant au don du sang avec antécédents transfusionnels sont ajournées. Il serait intéressant de réaliser une telle étude afin de vérifier si le dépistage des anticorps anti-HLA ciblé chez les donneuses de sang mentionnant des antécédents obstétricaux permettrait une prévention du TRALI avec de plus, un rapport coût / efficacité favorable.

Toujours dans le cadre du TRALI, une équipe anglaise vient de montrer que l’utilisation de plasma de donneurs mâles réduit significativement l’incidence de cette pathologie chez les receveurs (Chapman et  Al. Ten years of hemovigilance reports of transfusion-related acute lung injury in the United Kingdom and the impact of preferential use of male donor plasma. Transfusion 2009;49:440-452). De 1996 à 2006, 195 cas de TRALI ont été rapporté par le système britannique d’hémovigilance [Serious Hazards of Transfusion (SHOT), système mis en place en 1996]. En 2003, se basant sur les observations et les recommandations du SHOT, le National Blood Service (NBS) (qui couvre 83 % de l’approvisionnement en produits sanguins en Grande Bretagne) a décidé d’utiliser du plasma prélevé chez des hommes pour la production de plasma frais congelé et la suspension de plaquettes poolées issues du buffy-coat. Les cas de TRALI ont été définis comme hautement vraisemblable, probable, possible et peu probable. Des anticorps anti-leucocytaires chez le donneur correspondant à un ou plusieurs antigènes présents chez le receveur ou à un test de cross-match leucocytaire positif entre le donneur et le receveur représentent une « sérologie positive ». Un produit en cause est un produit transfusé issu d’un donneur avec une sérologie positive.

De 1996 à 2006, 195 cas rapportés correspondaient à la définition du TRALI. La probabilité du TRALI a pu être appréciée dans 156 cas rapportés à partir de 1999. Cinquante et un cas ont été considérés comme hautement vraisemblable, 25 comme probable, 42 comme possible et 38 comme peu probable. Sur ces 156 cas, 76 recouvrent les items hautement vraisemblable / probable (49 %).

Sur les 195 cas de TRALI rapportés, 193 comportaient le sexe du receveur, 105 patientes pour 88 patients. Les spécialités les plus fréquemment impliquées sont l’oncologie et l’hématologie. Quarante décès ont été constatés chez les patients satisfaisants à la définition du TRALI. Chez ceux-ci, le TRALI a été considéré comme un facteur contribuant au moins au décès.

Sur la période 2000-2006, 96 donneurs ont pu être complètement évalués pour les anticorps sur les 138 cas rapportés (70 %). Soixante deux de ces donneurs avaient un anticorps reconnaissant un antigène chez le receveur dont 12 un antigène HLA de classe I, 25 un antigène HLA de classe II et 13 des antigènes HLA de classe I et II. Pour les anticorps anti-granulocytes, un antigène était reconnu chez le receveur dans 9 cas. Dans 3 cas, il existait une réactivité sur les granulocytes et les lymphocytes mais sans spécificité définie.

Du côté du receveur entre 1996 et 2006, des anticorps anti-HLA ont été détecté dans 30 cas et des anticorps anti-granulocytaires dans un cas.

Suite à la décision prise en 2003, l’emploi de plasma issu de donneurs masculins a fait chuter significativement le nombre de cas de TRALI rapportés. Entre les deux périodes, le risque d’un TRALI hautement vraisemblable ou probable provoqué par du plasma frais congelé ou du cryoprécipité est passé de 15,5 par million d’unités sur la période 1999-2004 à 3,2 par million d’unité sur la période 2005-2006. Du point de vue des plaquettes, la chute est également importante de 14,0 par million d’unités à 5,8 par million d’unités.

Les auteurs rappellent dans la discussion que 3 million de produits sanguins sont produits par an au Royaume-Uni et que la prévalence de TRALI est de 1 cas pour 100 000 produits. Ils reprennent différents points dont les critères diagnostic, la production à partir de dons issus de donneurs mâles, l’emploi de plasma frais congelé traité solvant/détergent.

L’utilisation de l’association de Granulocyte-colony-stimulating factor (G-CSF) et de corticoïdes chez les donneurs de concentré de granuleux soulève, outre les risques de complications immédiates, ceux de complications à long terme, en particulier cancéreuses. Une équipe américaine vient de publier une étude portant sur le suivi de tels donneurs (Quillen et al. Ten year follow-up of unrelated volunteer granulocyte donors who have received multiple cycles of granulocyte-colony-stimulating factor and dexamethasone. Transfusion 2009;49 :513-518). Sur la période 1994-2002, les auteurs ont recruté des donneurs de concentres de granuleux non apparentés ayant reçu au moins trois fois du G-CSF. Ils ont comparé cette cohorte avec des donneurs de plaquettes appariés pour l’âge, le sexe et approximativement le nombre de cytaphérèses, n’ayant jamais reçu de G-CSF. Ont été inventoriés les pathologies coronaires, hématologiques, malignes, thrombotiques veineuses profondes et les accidents vasculaires cérébraux. Sur le plan biologique, la numération formule sanguine et le taux sanguin de C-réactive protéine (CRP) ont été évalués (prélèvement réalisé immédiatement avant l’aphérèse). Quatre vingt trois donneurs à l’origine 1120 concentrés de granuleux ont été inclus (moyenne de 13,5 concentrés de granuleux par donneur). La médiane du suivi était de 10,5 ans.

Sept cas comportant une pathologie ont été relevés chez les donneurs de concentré de granuleux : deux lymphomes, deux tumeurs solides, une thrombose veineuse profonde et deux cas de coronaropathies. Chez le groupe contrôle, cinq cas ont été détectés : trois tumeurs solides et deux coronaropathies. Aucun accident vasculaire cérébral n’a été noté dans les deux groupes.

Aucune différence statistiquement significative n’a été observée entre les deux groupes pour la numération formule sanguine, en particulier pour les nombres absolus de polynucléaires neutrophiles et de lymphocytes. Cependant, une diminution faible mais significative des nombres absolus de polynucléaires neutrophiles et de lymphocytes a été constatée entre le premier contrôle et le dernier chez les donneurs de concentré granulocytaire. Pour les taux de CRP, aucune différence significative n’est observée.

Dans la discussion, les auteurs reprennent les différentes complications pouvant survenir dans le cadre du don de granuleux. Ils insistent en particulier sur le problème de la survenue de pathologie maligne hématologique avec le G-CSF en prenant comme référence les patientes atteintes de cancer du sein et traitées avec ce produit. Leur expérience n’est pas en faveur d’une association, notamment avec le lymphome. Cependant, ils mettent en avant les limites de leur étude (taille de l’échantillon réduisant sa puissance de détection, problème des donneurs n’étant plus actifs).

Ils concluent que chez les donneurs non apparentés l’administration conjointe de G-CSF et de dexaméthasone lors du don de granuleux n’est pas associée avec des complications à long terme. La surveillance ne doit, cependant, pas être abandonnée.

Une excellente revue sur l’état des lieux et les implications cliniques du génotypage à grande échelle des groupes sanguins vient d’être publiée dans le British Journal of Haematology (Avent N.D. Large-scale blood group genotyping – clinical implications. British Journal of Haematology 2008;144:3-13). En matière de diagnostic prénatal, de groupage érythrocytaire chez les patients polytransfusés, de détection des unités et des patients à risque (par exemple pour les D partiels), le génotypage, sous réserves de disposer de matériels adaptés et performants, semble très prometteur et pourrait à terme supplanter la sérologie.

 

Pierre MONCHARMONT