Un état des lieux actualisé et récent sur l’évaluation et la gestion du risque de transmission par les produits sanguins et les médicaments dérivés du sang du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt Jakob (nvMCJ) a été présenté dans le British Journal of Haematology (Turner and Ludlam. An update on the assessment and management of the risk of transmission of variant Creutzfeldt-Jakob disease by blood and plasma products. British Journal of Haematology 2008;144:14-23). Les auteurs reviennent sur les quatre cas de transmission du nvMCJ par transfusion détectés en Grande Bretagne et relèvent qu’ils avaient reçu des produits sanguins non déleucocytés administrés entre 1996 et 1999. Ils signalent que l’infectivité reste indétectable dans le sang périphérique des patients atteints de nvMCJ. Un exposé général en cinq points reprend les aspects techniques en vue du développement de tests de dépistage incluant l’utilisation d’anticorps monoclonaux, l’amplification, … L’emploi de filtres visant à éliminer le prion lors de la fabrication des produit sanguins est abordé avec, en particulier, la mise au point de filtres combinés déleucocytation / réduction du prion et les difficultés expérimentales pour tester leur efficacité. Pour les médicaments dérivés du sang, les risques de transmission en fonction du type de produits sont exposés et les problèmes induits par l’introduction dans les pools de plasmas de donneurs ayant développé ultérieurement la maladie soulevés. Cependant, les auteurs soulignent qu’à ce jour, aucun cas de transmission du nvMJC par des produits issus de pools de plasma n’a été rapporté. Enfin, l’aspect communication avec les patients et le public est abordé, en particulier, la prise en charge des receveurs ayant été transfusés avec un produit sanguin prélevé chez un donneur devenu atteint et réciproquement, la prise en charge du ou des donneurs dont un produit a été transfusé chez un patient diagnostiqué atteint. Une difficulté persiste pour les médicaments dérivés du sang.
Les contrôles d’immunohématologie réalisés en qualification biologique du don peuvent aboutir à la détection chez le donneur d’un résultat positif au test direct à l’antiglobuline, témoignant de la présence d’anticorps fixés à la surface de ses hématies. Les conséquences pour le donneur d’un tel résultat ne sont pas toujours claires. Une équipe israëlienne vient d’apporter un élément de réponse en montrant l’association entre un résultat positif au test direct à l’antiglobuline et la survenue d’un cancer (Rottenberg et al. Blood donors with positive direct antiglobulin tests are at increased risk for cancer. Transfusion 2009;49:838-842). De 1999 à 2003, 586 donneurs ont été trouvés positif au test direct à l’antiglobuline. Les critères définissant un test positif étaient les suivants : était considéré comme positif un donneur avec, soit une réaction d’intensité 2+ ou plus sur un seul don, soit un résultat positif quelque soit l’intensité de la réaction sur plusieurs dons. La durée du suivi partait de la date du don avec test positif jusqu’à la date du diagnostic ou du décès ou jusqu’au 30 juillet 2006. Une durée de « latence » d’un an a été arbitrairement posée, ce qui excluait les cancers diagnostiqués plus tôt. Les 586 donneurs positif ont été comparés à 2344 donneurs avec test négatif. L’âge moyen était pour le premier groupe de 34,5 ans et pour le second de 32,0 ans. Dans les deux groupes, 62,6 % des donneurs étaient de sexe masculin. Enfin, la durée moyenne du suivi était de 66,0 mois.
Parmi les donneurs avec test positif, 17 cancers (2,9 %) ont été diagnostiqués contre 27 (1,2 %) dans le groupe négatif. Le cancer le plus fréquent dans le groupe positif était un lymphome (4 cas). Le myélome multiple venait en seconde position (3 cas). Il est à noter que trois donneurs ont développé un cancer dans les 12 mois qui ont suivi le don avec test positif : un lymphome de Hodgkin (2 mois), un lymphome non hodgkinien (4 mois) et un myélome multiple (8 mois). Dans le groupe négatif, c’est le cancer du sein qui était le plus fréquent avec 5 cas dont 3 au stade I. Le risque relatif de développer un cancer entre les deux groupes était de 2,14 en faveur du groupe avec test positif, en excluant les cas récents (moins de un an). En se limitant aux seuls cancers hématologiques, le risque relatif atteignait 8,3. De même, en réalisant la comparaison avec la population générale et en utilisant les ratio d’incidence standardisés (cas observés/cas attendus), le risque demeurait élevé lorsque le test direct à l’antiglobuline était positif quelque soit le type de cancer (2,11) et très élevé pour les cancers hématologiques (8,03).
Cette étude confirme la nécessité de notifier au donneur ce résultat et d’informer le donneur lui-même ou son médecin de la présence possible d’une maladie auto-immune non diagnostiquée ou d’une pathologie maligne sous jacente et particulièrement de l’existence d’une atteinte du système lymphoïde.
Apporter une preuve bien établie de l’efficacité clinique des concentrés granulocytaires transfusés chez les patients avec neutropénie sévère et infections bactériennes et/ou fungiques est une question qui reste d’actualité. Celle-ci est d’autant plus pertinente qu’elle associe plusieurs éléments importants tant chez le donneur (sélection, disponibilité pour le prélèvement, administration de G-CSF associé au non à des corticoïdes), qu’à l’échelon du produit (quantité suffisante de granuleux, péremption très courte) et chez le receveur (pathologie grave avec pronostic vital en cause). Une revue sur la preuve de l’efficacité des transfusions granulocytaires a été publiée récemment (C. Peters. Granulocyte transfusions in neutropenic patients : beneficial effects proven ? Vox Sanguinis 2009;96:275-283). Chez le donneur, l’administration de G-CSF seul ou en association avec des corticoïdes implique un suivi immédiat et à plus long terme, notamment, la détection de complications chez les donneurs ayant fréquemment donné (survenue d’une cataracte sous capsulaire postérieure par exemple). L’utilisation rapide du concentré de granuleux après le prélèvement représente une difficulté particulièrement du point de vue disponibilité du donneur, de la logistique,…Un stockage à +10°C et jusqu’à 24 heures serait possible. Des études montrent une augmentation post-transfusionnelle du nombre absolu de granulocytes avec des dons réalisés après stimulation par G-CSF chez le donneur. Pour obtenir un effet sur l’élimination de l’infection, un apport minimal en granulocytes de 1,5 à 3,0 x 108/kg de poids chez le receveur est nécessaire. Du point de vue clinique, les résultats, selon les études, peuvent être discordants. L’auteur met en avant la difficulté d’études chez des patients présentant une pathologie grave avec, notamment, le problème de la définition des critères (dose de granuleux, rythme des administrations, standardisation des produits,…). Prouver l’efficacité de la transfusion de granulocytes demeure donc difficile.
La réaction fébrile hémolytique ou non est un effet indésirable fréquemment observé chez le receveur durant ou à proximité immédiate d’une transfusion. Se basant sur les résultats d’études antérieures chez la souris montrant une augmentation du taux d’alloimmunisation anti-érythrocytaire en fonction du type de la réaction inflammatoire induite chez l’animal, une équipe américaine a évalué l’influence de la réaction fébrile lors de la transfusion de plaquettes sur le taux d’alloimmunisation anti-érythrocytaire (Yazer et al. Does a febrile reaction to platelets predispose recipients to red blood cell alloimmunization ? Transfusion 2009;49:1070-1075). Dans deux établissements hospitaliers et sur une période allant du mois d’août 2000 au mois de mars 2008, les auteurs ont recensé rétrospectivement les receveurs ayant présenté une réaction fébrile suite à une transfusion de plaquettes. La réaction fébrile était définie comme une augmentation d’au moins 1°C par rapport à la température avant la transfusion, sans autre explication. Une réaction fébrile possible correspondait à une augmentation de température moindre mais accompagnée de signes cliniques à type de frissons. Ils ont apparié ces patients avec des receveurs transfusés avec des plaquettes mais n’ayant pas présenté de fièvre. « L’événement » correspondait dans le groupe « fièvre » à la transfusion de plaquettes accompagnée de ce symptôme et dans le groupe contrôle à la transfusion de plaquettes elle-même. Un suivi sérologique de plus de 10 jours au moins après la transfusion de plaquettes a été exigé. L’apparition d’alloanticorps anti-érythrocytaires moins de 10 jours après « l’événement » a été considérée comme une réaction anamnestique. Les auteurs ont également étudié et inclus le nombre et la nature des produits sanguins reçus dans les 10 jours qui ont précédé et suivi « l’événement ».
Sur la période étudiée, les auteurs ont recruté 190 patients avec réaction fébrile et 245 contrôles. La moyenne d’âge était de 54,8 ans dans le premier groupe et de 49,4 ans dans le second. La durée moyenne du suivi sérologique est de 267,0 et de 132,5 jours respectivement.
Quinze patients du groupe réaction fébrile ont développé un nouvel alloanticorps (8 %) contre 7 (3 %) chez les contrôles. Ce résultat était statistiquement significatif. Le groupe contrôle a, en moyenne, reçu plus de produits sanguins le jour de « l’événement » et dans les 10 jours qui ont suivi et était plus jeune. Dans les deux groupes, plus de 94 % des patients ont été transfusés avec des concentrés plaquettaires et érythrocytaires. Sur le plan pathologique, la majorité des patients, que ce soit dans le groupe réaction fébrile comme dans le groupe contrôles, souffraient de pathologies hématologiques malignes ou cancéreuses (103 cas et 118 cas respectivement). La spécificité des anticorps anti-érythrocytaires acquis intéressait principalement le système Rhésus (9 anticorps dans le groupe réaction fébrile et 4 anticorps dans le groupe contrôle). Dans le groupe « fièvre », 6 receveurs ont développé de nouveaux anticorps après la transfusion de plaquettes seules contre 2 dans le groupe contrôles. Trois de ces 6 receveurs étaient D- et avaient reçu des plaquettes D+.
Les auteurs tentent d’apporter des éléments d’explication à ces observations. La réaction inflammatoire créée lors d’une fièvre dévierait le système immunitaire vers la production d’anticorps en réponse à des antigènes étrangers. Des substances pro-inflammatoires, dont le ligand soluble CD40 d’origine plaquettaire (CD154), favoriseraient la production d’anticorps par bascule de la réponse immune en faveur de la réponse Th2 (humorale) par rapport à la réponse Th1 (cellulaire). D’où un taux d’alloimmunisation plus important.
Les auteurs mettent en avant les éléments limitatifs de leur étude, notamment la taille des effectifs, la pathologie des patients (influence des affections hématologiques malignes sur les facteurs responsables d’immunisation et d’inflammation), le suivi sérologique des patients (problème de l’obtention des données en dehors de la banque de sang).
Une étude prospective incluant le contrôle des taux de cytokines est progammée. Les auteurs insistent également sur l’intérêt de la déleucocytation avant le stockage des produits sanguins.
Pierre MONCHARMONT