Dans la presse…
Pierre MONCHARMONT
Deux articles récents viennent de montrer l’efficacité de l’eltrombopag dans le traitement du purpura thrombopénique idiopathique chronique de l’adulte (Bussel et al. Eltrombopag for treatment of chronic idiopathic thrombocytopenic purpura. New England Journal of Medicine 2007,357:2237-2247) et de la thrombopénie chez les patients atteint de cirrhose due à une infection par le virus de l’hépatite C (McHutchinson et al. Eltrombopag for thrombocytopenia in patients with cirrhosis associated with hepatitis C. New England Journal of Medicine 2007, 357:2227-2236). Dans ce dernier contexte, l’augmentation de la production de plaquettes a permis d’initialiser la thérapeutique anti-virale tout en poursuivant l’administration de l’eltrombopag. Les auteurs ont inclus 74 patients porteurs d’une cirrhose post hépatite C et d’un taux de plaquettes compris entre 20 et moins de 70x109/L. la moyenne d’âge était de 51 ans et plus des deux tiers des patients étaient des hommes. Le protocole incluait une phase initiale de traitement de 4 semaines par l’eltrombopag ou le placebo puis, si le taux de plaquettes prédéfini était atteint, la mise en route d’une bithérapie anti-virale comprenant interféron pégylé a2a (taux de plaquettes d’au moins 70 x109/L) ou a2b (taux de plaquettes d’au moins 100 x109/L) et ribavirine sur 8 semaines. Le traitement par placebo ou eltrombopag était poursuivi. Dix huit ont reçu un placebo. Quatorze, 19 et 23 patients ont été traités quotidiennement avec 30, 50 et 75 mg d’eltrombopag respectivement. L’augmentation du nombre de plaquettes est dose dépendante. Ainsi, après 4 semaines, un taux de 100 x109/L ou plus était obtenu chez 75% des patients traités à la dose de 30 mg (9 sur 12), 79% de ceux traités à la dose de 50 mg (15 sur 19) et 95% de ceux traités à la dose de 75 mg (20 sur 21). Par contre aucun des 17 patients sous placebo n’a atteint ce taux. La thérapeutique anti-virale a pu être débutée chez 4 des 18 patients sous placebo, 10 (sur 14), 14 (sur 19) et 21 (sur 23) des patients recevant une dose quotidienne d’eltrombopag de 30, 50 et 75 mg respectivement. Un complément de 12 semaines de thérapeutique anti-virale a pu être réalisé et achevé chez 36% (5 cas sur 14), 58% (10 cas sur 19) et 65% (15 cas sur 23) des patients sous eltrombopag à la dose de 30, 50 et 75 mg respectivement.
Dans le groupe placebo, un seul patient sur les 18 inclus a pu bénéficier de ce traitement complet.
Cette étude montre l’intérêt de l’eltrombopag dans ce contexte. Le traitement initial assure une augmentation du taux de plaquettes, puis, si ce taux est suffisant, la mise en route du traitement anti-viral. La poursuite du traitement par l’eltrombopag permet d’assurer dans un pourcentage significatif de cas (notamment avec la dose de 75 mg) le maintien de la thérapeutique anti-virale et par ce biais, un accroissement de l’efficacité pour le patient. Dans le futur, il sera intéressant de savoir si d’autres indications de ce médicament dont l’administration s’effectue par voie orale, sont envisagées en particulier chez des patients atteints de thrombopénies centrales, permettant de réduire à terme les besoins transfusionnels plaquettaires.
Vers une nouvelle thérapeutique non invasive de la maladie hémolytique par anti-RH1(D) ? Une équipe scandinave (Nielsen et al. In vitro assessment of recombinant, mutant immunoglobulin G anti-D devoid of hemolytic activity for treatment of ongoing hemolytic disease of the fetus and newborn Transfusion 2008, 48:12-19) vient de montrer l’efficacité in vitro de deux anticorps monoclonaux anti-D mutants et recombinés pour bloquer l’activité hémolytique des anticorps anti-D.
La construction et l’évaluation de ces anticorps monoclonaux repose sur l’idée suivante : administrer à la femme enceinte des anticorps anti-D non hémolysants qui franchissent le placenta et vont bloquer chez le fœtus la fixation des anticorps anti-D maternels hémolysants. Deux anticorps monoclonaux IgG3 comportant une chaîne lourde mutante sans activité hémolysante et une partie variable anti-D ont été construits en parallèle avec un anticorps monoclonal anti-D à activité cytolytique. Les anticorps monoclonaux mutants ont été testés in vitro en présence de l’anticorps monoclonal anti-D cytolytique ou d’anticorps anti-D polyclonaux (immunoglobulines humaines anti-D). L’appréciation de l’activité inhibitrice de ces anticorps a été évaluée en cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps (antibody-dependant cell-mediated cytotoxicity, ADCC) et par une méthode en chemiluminescence comportant l’activation respiratoire des cellules mononuclées du sang périphérique.
Sur le plan structural un point intéressant est à souligner. Les chaînes lourdes des anticorps monoclonaux inhibiteurs sont liées entre elles par des liaisons non covalentes, tout comme la chaîne légère avec la chaîne lourde. Seules les chaînes légères sont réunies par un pont disulfure.
Avec le test de chemiluminescence, l’activité de l’anticorps monoclonal ant-D cytolytique est totalement bloquée en présence des anticorps monoclonaux inhibiteurs à une concentration en excès de 30 et 90 fois. En présence d’anticorps anti-D polyclonaux, un excès d’un facteur 10 suffit pour bloquer l’activité.
En ADCC, seule une concentration en excès de 90 des anticorps monoclonaux inhibiteurs en présence de l’anticorps monoclonal anti-D cytolytique est totalement efficace. Avec un excès de 30, l’inhibition n’est pas totale. Toujours dans la même technique, avec un ratio hématies/cellules mononuclées du sang périphérique de 5/1, une inhibition totale est obtenue avec un seul des anticorps monoclonaux inhibiteur avec un excès à 90 fois en présence des anticorps anti-D polyclonaux. Avec un ratio de 1/1, le blocage total de l’activité est obtenu avec un des anticorps monoclonaux avec un excès de 30 toujours en présence des anticorps anti-D polyclonaux.
Les auteurs soulignent la différence entre l’anticorps monoclonal anti-D cytolytique et les anticorps anti-D polyclonaux où, en chemiluminescence, un excès d’un facteur 10 d’anticorps monoclonal inhibiteur est suffisant pour obtenir un blocage complet contre un excès d’un facteur 30 en présence du premier (différence des méthodes de détermination des concentrations d’anticorps ? différence d’affinité ?, …). De même, en ADCC, la différence de concentration d’anticorps monoclonal inhibiteur en fonction du ratio hématies/cellules mononuclées du sang périphérique (nombre plus élevé d’interactions hématies-cellules mononuclées du sang périphérique en présence d’un ratio 5/1 ?).
Les auteurs notent cependant qu’une activité inhibitrice, même partielle in vivo, pourrait être suffisant pour obtenir que le taux de production d’érythrocytes fœtaux demeure supérieur au taux de destruction. Ils s’interrogent également sur le caractère potentiellement immunogène des anticorps monoclonaux mutants administrés à la femme enceinte et sur leur stabilité (cf la remarque ci-dessus concernant leur structure). Enfin, le principe de tels anticorps pourrait être étendu à d’autres pathologies telles que le purpura thrombopénique idiopathique.
A lire également, l’éditorial de S.J. Urbaniak dans le même numéro de Transfusion sur le sujet (Urbaniak S.J. Non invasive approaches to management of RhD hemolytic disease of the fetus and newborn. Transfusion 2008, 48:2-4).
Pierre MONCHARMONT