L’utilisation de sang de cordon comme source alternative de cellules souches hématopoiétiques lors de greffes effectuées au cours du traitement des leucémies aiguës lymphoblastiques et myéloblastiques s’accroît au fil des ans. Une équipe japonaise, grâce à l’inclusion d’un nombre suffisant de patients, vient de présenter des résultats comparant l’impact de la greffe de cellules souches de sang de cordon et de la greffe de moelle classique sur différents facteurs (Atsuta et al. Disease-specific analyses of unrelated cord blood transplantation compared with unrelated bone marrow transplantation in adult patients with acute leukemia. Blood 2009;113:1631-1638). De janvier 2000 à décembre 2005, 1690 patients âgés de plus de 16 ans atteints de leucémie aiguë [999 leucémie aiguë myéloblastique (LAM) et 691 leucémie aiguë lymphoblastique (LAL)] ont bénéficié d’un premier traitement par cellules souches hématopoiétiques comportant soit des cellules issues de sang de cordon, soit une greffe de moelle osseuse avec conditionnement myéloablatif. Seuls les patients ayant reçu des cellules souches de sang de cordon comportant de 0 à 2 mismatchs pour le système HLA ou une moelle osseuse compatible pour les systèmes HLA-A, -B, -C et DRB1 de donneurs non apparentés ont été analysés. Quatre cent quatre vingt quatre patients porteurs d’une LAM incluant 173 greffes de sang de cordon et 311 greffes de moelle osseuse et 336 patients atteints de LAL traités avec greffe de sang de cordon dans 114 cas et greffe de moelle osseuse dans 222 cas ont pu être retenus.
La survie globale était moins bonne chez les patients atteints de LAM et traités par cellules souches de sang de cordon comparée à celle des patients traités par greffe de moelle osseuse (à 1 an, 57 % contre 69 % ; à 2 ans 48 % contre 59 %). Il en de même du point de vue de la survie sans rechute (à 1 an, 43 % contre 62 % ; à 2 ans, 36 % contre 54 %). L’emploi de cellules souches cordonnales chez les patients avec LAM est un facteur de risque d’échec du traitement tels que rechute ou décès après ajustement des autres facteurs (Risque ratio à 1,5).
L’incidence cumulée de rechute leucémique était plus importante chez les receveurs après greffe de cellules souches cordonnales que ce soit chez les patients avec LAM ou LAL. Le décès lié au traitement était plus élevé après greffe de cellules souches cordonnales chez les patients atteints de LAM à un an (30% contre 19 %) comme à deux ans (33 % contre 22 %). Les causes de décès étaient, par ordre de fréquence, la rechute de la maladie initiale, l’infection et le défaillance d’organe.
La remontée des neutrophiles (chiffre absolu de neutrophiles à 500x109/L, 3 fois de suite) et des plaquettes (50x109/L sans apport transfusionnel) à J 100 était moins bonne chez les patients traités par cellules souches cordonnales qu’ils appartiennent au groupe LAM comme LAL par rapport aux patients traités par greffe de moelle.
La maladie du greffon contre l’hôte (GVH) aiguë (de grade 2 à 4) était moins fréquente chez les receveurs de cellules souches cordonnales. Pour la GVH chronique extensive, le risque était plus faible chez les patients également traités par cellules souches cordonnales.
Les auteurs ont tentés de détecter des facteurs pouvant expliquer les différences constatées, en particulier la mortalité observée chez les patients atteints de LAM traités par cellules souches cordonnales.
L’âge moyen des receveurs de cellules souches de sang de cordon est de 4 ans plus élevé chez ceux atteints de LAM par rapport à ceux atteints de LAL.
Les traitements effectués avant le conditionnement pourraient jouer un rôle, les patients avec LAM recevant des traitements d’induction et de consolidation plus intenses.
Il existe aussi des différences dans les traitements de conditionnement. Les traitements standards, tels qu’irradiation corporelle totale et cyclophosphamide ou busulfan et cyclophosphamide étaient plus faibles chez les receveurs de cellules souches de sang de cordon avec LAM.
La réduction de la mortalité chez les patients avec LAM, notamment au stade précoce de greffe, est indispensable pour améliorer l’évolution clinique des receveurs de cellules souches de sang de cordon.
Les pratiques transfusionnelles analysées sur de longues périodes apportent généralement des informations précieuses, peuvent permettre de formuler des hypothèses sur les tendances futures mais également de réactualiser ses propres pratiques. Une équipe allemande vient d’effectuer une analyse des changements des pratiques transfusionnelles chez les patients polytraumatisés sur une période de 15 ans (Maegele et al. Changes in transfusion practice in multiple injury between 1993 and 2006 : a retrospective analysis on 5389 patients from the German Trauma Registry. Transfusion Medicine 2009;19:117-124). L’analyse a porté sur la période 1993-2006 et s’est basée sur les données collectées au sein de registre allemand des traumatismes (DGU-Traumaregister) où 29353 patients polytraumatisés ont été inclus. Sur la base de la seule admission initiale et de différents paramètres, dont des paramètres biologiques, 5 389 patients ont été retenus. Quatre phases ont été chronologiquement définies : phase A, pré-admission à l’hôpital, phase B, salle d’urgence et chirurgie initiale, phase C, réanimation, phase D, issue clinique à la sortie avec description des traumatismes et procédures. Trois périodes ont été considérées : 1993-1998 (870 patients), 1999-2002 (2044 patients) et 2003-2006 (2475 patients). Les auteurs ont précisé la définition d’une hémorragie jusqu’à l’admission en salle d’urgence. Les patients devaient présenter une hémorragie significative avec évaluation clinique et données biologiques dont au moins un de ces critères : un taux d’hémoglobine inférieur à 90 g/L, un taux de plaquettes inférieur à 90x109/L, un taux de prothrombine inférieur à 60 %.
La majorité des patients évalués étaient des hommes (3611 cas) et l’âge moyen était de 40,5 ans. Plus de 85 % des patients de chacun des groupes présentaient un score de sévérité du traumatisme supérieur à 16 points. Trois mille deux cent onze patients, soit 60 % du total, avaient reçu des concentrés érythrocytaires entre leur arrivée en salle d’urgence et leur admission en réanimation. La répartition des transfusions était la suivante : 1208 patients avaient reçu entre 1 et 5 concentrés érythrocytaires (37,6 %), 847 entre 6 et 10 (26,4 %) et 1156 plus de 10 (36,0%).
Les auteurs ont mis en évidence plusieurs évolutions.
Une diminution du pourcentage des patients ayant reçu des concentrés érythrocytaires a été observée sur 15 ans (72 % entre 1993 et 1998 contre 54 % entre 2003 et 2006) accompagnée d’une diminution du nombre moyen de concentrés érythrocytaires transfusés par patients (de 13 à 10 sur les deux périodes citées). Le nombre de patients avec transfusion massive (supérieure à 10 concentrés érythrocytaires) a été réduit de moitié. En 1993, plus de la moitié des patients (51,3 %) recevaient plus de 10 concentrés érythrocytaires jusqu’à leur arrivée en salle d’urgence. En 2006, seul 17,1 % des patients se trouvaient dans ce cas.
Plusieurs autres points particulièrement intéressants ont été révélés par cette étude. Le taux d’incidence des complications infectieuses, le nombre de jours sous ventilation assistée, la durée des séjours en réanimation et la mortalité à 24 heures ont significativement diminué. Il en était de même pour le nombre de patients ventilés.
Indépendamment du nombre plus réduit de patients sur la première période lié, selon les auteurs, à la mise en application du registre et au recrutement progressif des patients et des centres impliqués, une tentative d’explication de l’évolution constatée de réduction du nombre de patients transfusés et du nombre de concentrés érythrocytaires transfusés par patient a été effectuée. Les améliorations techniques (échographie abdominale, scanner corporel total, détection plus rapide des hémorragies, radiologie interventionnelle et techniques chirurgicales), l’emploi de stratégies alternatives et de substituts du sang ont joué un rôle. De plus, les auteurs notent que 34,2 % des patients présentaient des troubles de la coagulation jusqu’à leur admission en salle d’urgence et qu’un traitement plus « agressif » en vue de corriger ces troubles pourrait être efficace dans la diminution d’utilisation des concentrés érythrocytaires. L’utilisation de plasma frais congelé et le ratio plasma frais congelé/concentrés érythrocytaires auraient un impact positif sur la mortalité. L’administration de concentré érythrocytaires aurait un effet d’activation des gènes des leucocytes circulants impliqués dans l’inflammation et favoriseraient donc les complications.
Cette étude montre que l’utilisation appropriée des concentrés érythrocytaires et la transfusion limitée au nombre de concentrés absolument nécessaire permet, même dans des conditions d’urgence, d’améliorer la survie des patients et de leur éviter des complications supplémentaires qui grèvent le pronostic.
Un forum international vient de se pencher sur le rôle des centres de transfusion dans les nouvelles thérapie cellulaires (Reesink et al. New cellular therapies : Is there a role for transfusion services ? Vox sanguinis 2009;97:77-90). Partant du constat que de nouvelles thérapeutiques utilisant des cellules très diverses (cellules dendritiques, lymphocytes cytotoxiques, cellules “natural killer”, …) émergent et font l’objet d’essais cliniques, le forum s’est interrogé sur le rôle des centres de transfusions dans ces thérapeutiques. Comme à l’accoutumée, une série de trois
questions a été soumise à différentes structures transfusionnelles. Quatorze réponses ont été reçues et analysées.
La première question portait sur l’implication actuelle ou future du service transfusionnel (centre de transfusion ou département de médecine transfusionnelle) dans ces nouvelles thérapeutiques. Si une participation existait ou était prévue, une question complémentaire portait sur la(les) étape(s) de la procédure qui serait(ent) prise(s) en charge par la structure transfusionnelle (exemples : isolement des cellules, préparation,…).
La seconde question s’intéressait au partenariat avec d’autres disciplines. La troisième, enfin, abordait le point suivant : au cas où les services transfusionnels ne participeraient pas, quelles seraient les disciplines qui coopéreraient pour ces nouvelles thérapeutiques ?
L’élément essentiel ressortant de ce forum est que, dans presque tous les pays où les informations ont été recueillies, les centres de transfusion ou les départements de médecine transfusionnelle jouent dès à présent ou joueront dans le futur un rôle important dans la pratique de ces nouvelles thérapeutiques. L’utilisation de l’expérience acquise avec les cellules, qu’elle concerne la transfusion pure ou les cellules souches hématopoïétiques, doit être utilisée.
Les tâches des structures transfusionnelles portent ou porteraient sur des points tels que la séparation des cellules, leur culture et leur expansion in vitro,… Sur le plan des partenariats, les services d’hématologie et d’oncologie viennent en tête. Mais il est à souligner que, si la médecine réparatrice employant les cellules souches devenait une réalité, des coopérations se noueraient avec d’autres services tels que ceux de cardiologie, de neurologie, …
Enfin, il est à noter que les directives européennes concernant les cellules utilisées dans les nouvelles thérapeutiques et les tissus sont placées à part par rapport aux produits sanguins employés en transfusion.
Pierre MONCHARMONT