Actualités et perspectives

 

Dans la presse…

Pierre MONCHARMONT

 

Les réactions indésirables de la transfusion en pédiatrie restent mal évaluées. Récemment, une équipe britannique vient de publier une étude particulièrement intéressante sur ce sujet car couvrant une période de 9 années (Stainsby et al. Adverse outcomes of blood transfusion in children: analysis of UK reports to serious hazards of transfusion scheme 1996-2005. British Journal of Haematology 2008,141:73-79). A partir des données fournies par le système de recensement des effets indésirables graves de la transfusion [Serious Hazards of Transfusion (SHOT)], les auteurs ont totalisés de 1996 à 2005, 3239 réactions ou événements indésirables liés à la transfusion de produits sanguins labiles. Sur l’ensemble, 321 ont été observés chez des patients âgés de moins de 18 ans, soit 10% et 147 (4,5%) chez des enfants de moins d’un an. Du point de vue des indications, la chirurgie (y compris la gynécologie obstétrique) concernait 28% des concentrés érythrocytaires, principalement la chirurgie cardio-thoracique avec un taux de 14 %. Une proportion importante (67%) des concentrés érythrocytaires était en rapport avec des patients relevant de pathologies médicales, dont un taux de 36% pour l’oncologie et l’hématologie (leucémies aiguës). Enfin, en pédiatrie, 22% des concentrés érythrocytaires étaient attribués à la transfusion néonatale. Le taux de réactions indésirables était de 18 pour 100 000 patients de moins de 18 ans. Un taux élevé (37 pour 100 000) était observé chez les enfants de moins de 12 mois. Chez les adultes, ce taux n’atteignait que 13 pour 100 000.

Les auteurs notent que 264 (82,2%) des 321 cas rapportés correspondaient à la transfusion d’un produit sanguin incorrect. Trente cas de réactions aiguës et 3 de réactions retardées ont été recensés. Parmi les complications graves, les auteurs relèvent 20 TRALI et 2 GVH post transfusionnelles. Trois cas de TRALI et les 2 cas de GVH post-transfusionnelle ont provoqué le décès. Enfin 2 cas d’infections ont été notés, une d’origine bactérienne (Staphylococcus epidermidis) et une d’origine virale (hépatite B).

Un des points importants de cette étude correspond aux 264 cas de transfusion d’un produit sanguin incorrect pour lesquels les auteurs font état, dans 26 cas, d’une morbidité actuelle ou potentielle. Ces cas correspondent à des erreurs observées à toutes les étapes de la chaîne transfusionnelle. Aucun décès n’est lié à ces erreurs. Neuf réactions hémolytiques par incompatibilité ABO et six cas de femmes RH-1 (D négatif) transfusées avec des hématies RH1 (D positif) ont été observés.

Avec les plaquettes, 3 cas de réactions hémolytiques ont été notifiés (enfant de groupe A ou B ayant reçu des plaquettes de groupe O).

L’erreur la plus fréquemment relevée parmi celles concernant la transfusion de produits incorrects en pédiatrie est représentée par l’impossibilité de fournir le produit sanguin de spécification appropriée (CMV négatif, irradié, …). Sur les 151 cas notifiés entre 2003 et 2005, 85 (56 %) relevaient de ce problème.

Pour réduire les risques, les auteurs insistent tout particulièrement sur le respect des recommandations, la connaissance des exigences spécifiques de la transfusion pédiatrique, l’attention apportée à la prescription et à l’administration des produits sanguins. Mais également à une bonne communication entre les acteurs.

Les mécanismes naturels de protection contre l’invasion et la multiplication de l’agent du paludisme dans les érythrocytes humains représentent un plus pour les populations vivant dans les zones d’endémie palustre.

Une excellente revue sur ce sujet reprend les différents éléments (anomalies congénitales de l’hémoglobine, de la membrane et du métabolisme érythrocytaires,…) qui concourent à apporter une protection accrue face au paludisme (Weatherall D.J. Genetic variation and susceptibility to infection : the red cell and malaria. British Medical Journal 2008,141;276-286). Ils témoignent de l’évolution de ces populations exposées à ces maladies au fil du temps, apportent des éléments d’explication sur la fréquence élevée de certaines pathologies d’origine génétique. Ils représentent également de nouvelles approches pour parvenir à mieux contrôler les infections parasitaires ou autres, problèmes de santé majeurs chez ces populations sur un plan général.

En matière d’infection palustre, les caractéristiques génétiques de l’hôte ont un rôle dans la sévérité de la pathologie et de son évolution. Une étude récente visant à approfondir les mécanismes impliqués a été réalisée chez des sujets porteurs d’un déficit en pyruvate kinase (Ayi et al. Pyruvate kinase deficiency and malaria. New England Journal of Medicine 2008,358;1805-1810). La pyruvate kinase est une enzyme qui intervient dans le métabolisme énergétique du globule rouge par génération d’ATP. Le déficit est transmis sur un mode autosomique récessif et a une fréquence estimée à 1 cas sur 20 000 personnes. Les auteurs ont inclus trois sujets homozygotes présentant un déficit en pyruvate kinase et 2 apparentés hétérozygotes. Ils ont mis en présence des hématozoaires de Plasmodium falciparum (phase de multiplication asexuée intra-érythrocytaire de l’agent) à différents stades de maturation avec des globules rouges de ces sujets et chez des contrôles indemnes de la pathologie et ont étudié la capacité d’invasion et de maturation intra-érythrocytaire de ces hématozoaires.

Une réduction de l’invasion a été constatée chez les sujets homozygotes, mais pas chez les hétérozygotes, ni les contrôles. Du point de vue de la maturation intra-érythrocytaire (du stade anneau au stade trophozoïte) aucune différence n’est notée au sein des trois catégories de sujets. En particulier, les différences de milieu provoquées par l’accumulation de métabolites intermédiaires de la glycolyse ne sont pas en cause. En utilisant des mérozoïtes produits dans des érythrocytes de sujets déficitaires, les auteurs ont observé que leur capacité d’invasion était similaire à celle de mérozoïtes issus de globules rouges normaux.

La phagocytose in vitro de globules rouges infectés a été testée. Une phagocytose accrue des globules rouges de sujets déficitaires au stade anneau par rapport aux globules rouges contrôles infestés au même stade de développement a été mise en évidence. Un phénomène identique est constaté sur les globules rouges de sujets hétérozygotes. Cet accroissement de phagocytose est lié à la présence de quantité plus importantes d’hémichrome, d’immunoglobulines G autologues et de complément (C3d) à la surface des globules rouges des sujets déficitaires. Il n’est pas détecté lorsque l’agent du paludisme atteint un stade plus mature. A ce stade, les altérations membranaires et les dépôts d’immunoglobuline et de complément chez les sujets déficitaires comme chez les sujets normaux sont similaires, tout comme la capacité à la phagocytose. En provoquant un blocage soit du complément, soit des récepteurs Fc, les auteurs démontrent que la phagocytose est médiée par le complément (chute de la capture des érythrocytes en présence de complément inactivé). Les érythrocytes de sujets déficitaires non infectés présentent des taux plus importants d’hémichrome, d’IgG et de complément que ceux de sujets normaux, mais cependant à des taux moindres que lors d’une infection.

Les auteurs notent que ce double mécanisme, réduction d’invasion et élimination par phagocytose des érythrocytes de sujets infectés au stade précoce (anneau) apporte une protection contre le paludisme. Cependant compte tenu de la rareté et de l’état  de santé des sujets homozygotes (anémie sévère, transfusion dépendance), les auteurs mettent en avant l’hypothèse que l’hétérozygotie accompagnée d’une compensation érythropoïétique suffisante, tout en pouvant induire une petit effet négatif sur la santé apporte une protection modeste, mais significative contre le paludisme.

 

 

Pierre MONCHARMONT