Dans la presse…
Pierre MONCHARMONT
Souhaitant vérifier si une affirmation telle que « environ 90% des adultes américains auront besoin d’au moins une transfusion au cours de leur vie », Hay et al. (Hay et al. Life, death and the risk of transfusion : a university hospital experience. Transfusion, 2006 ; 46 : 1491-1493) ont étudié sur un an, du 1er janvier au 31 décembre 2004, dans un hôpital universitaire, si les personnes décédées sur cette période avaient bénéficié ou non d’une transfusion. Un total de 906 décès a été recensé, incluant 35 enfants mort-né qui ont été retirés de l’étude. Parmi les 871 patients restants, 591 ont reçu des produits sanguins. Les auteurs ont ajouté 27 patients présentant une histoire chirurgicale complexe qui avaient probablement été transfusés dans une autre structure. Ils ont constaté un pic de transfusion sur la première décade et la sixième. Les patients qui décèdent avant 31 ans présentent le taux de transfusion le plus élevé. Toujours en se basant sur les décades, il n’a pas été observé de différence entre femmes et hommes. Les auteurs concluent qu’entre 67,9% et 71,0% des patients décédés dans leur hôpital ont été transfusés. Dans la discussion, ils ont tenté d’extrapoler leurs données à l’ensemble du territoire américain en se basant sur le lieu de décès (Hôpital, maisons médicalisées, domicile). En considérant que les données obtenues à l’hôpital pour la transfusion seraient applicables aux maisons médicalisées (Statut similaire à l’hôpital vis à vis de la transfusion pour les patients décédés dans ces établissements), 55,7% des patients pourraient être transfusés durant leur vie. En restreignant le raisonnement à l’hôpital seul (Hypothèse retenue : les décès à domicile ou en maisons médicalisées ne sont pas associés à la transfusion durant la vie), ce ne serait plus que 40,9% des patients qui seraient susceptibles de l’être. Selon les auteurs, le « vrai chiffre » se situerait entre 40,9% et 71,0%. Enfin, poussant encore plus loin le raisonnement, ils évoquent le cas des médicaments dérivés du sang et de leur multiples utilisations dont la préparation des vaccins et des produits recombinants (Emploi d’albumine humaine), hypothèse qui aboutit au fait que la quasi totalité des individus se trouve exposée durant leur vie aux produits sanguins d’origine humaine.
Le ou les mécanismes d’action des immunoglobulines anti-D (RH1) administrées aux patientes de groupe RH-1 (D négatif) avec enfant RH1 en prévention de alloimmunisation anti-D et de la maladie hémolytique du fœtus et du nouveau-né continuent de soulever de nombreuses interrogations. Une solution partielle à « l’énigme » vient peut être d’être apportée par une équipe canadienne (Branch et al. Antenatal administration of Rh-immune globulin causes significant increases in the immunomodulatory cytokines transforming growth factor-b and prostaglandin E2. Transfusion 2006, 46 : 1316-1322). Les auteurs ont étudié les taux de 17 cytokines immunomodulatrices chez 10 patientes enceintes porteuses d’un fœtus D+ ou avec un partenaire D+, au troisième trimestre de grossesse, entre la 28ème et la 32ème semaines de gestation avant et 48 heures après l’administration de 300 mg d’immunoglobulines anti-D. Ils ont observé une décroissance faible ou modérée, mais non significative, du taux d’IL1 ra chez 7 des 10 patientes. Un résultat intéressant est également noté avec le transforming growth factor-b (TGF-b). Une augmentation du taux de TGF-b1 de plus de 1,3 fois est observée chez 7 des 10 patientes. De plus, 4 des 10 patientes voient leur taux multiplié par 2 après administration des immunoglobulines anti-D et une présente une augmentation d’un facteur 5 de ce taux accompagnée d’une augmentation significative du taux de TGF-b2. En plus du TGF-b, une augmentation du taux de prostaglandine E2 (PGE2) de plus de 1,5 fois est constatée chez la moitié des femmes.
Les auteurs évoquent dans la discussion les différents mécanismes d’action déjà proposés pour expliquer l’action préventive des immunoglobulines anti-D (Elimination des cellules D positif, mécanisme idiotype / anti-idiotype, inhibition des FCgRIIB, masquage des épitopes). Ils réalisent un parallèle intéressant avec l’administration d’immunoglobulines anti-D chez les patients D+ traités pour un purpura thrombopénique idiopathique (PTI). Pour que les immunoglobulines anti-D soient efficaces chez ces patients, il faut qu’ils soient D+. Ils notent que les résultats obtenus avec l’IL1ra dans leur étude sont à l’inverse de ceux observés chez ces derniers. Ils mettent en avant l’hypothèse d’une différence de densité anticorps-antigène cible. Ainsi chez les patientes bénéficiant de la prophylaxie, le volume de cellules D+ est faible, donc la densité d’anticorps-antigène « cible » sur les cellules porteuses de l’antigène D est relativement élevée. Le phénomène inverse est observé dans le cadre du PTI. Le volume de cellules D+ est important d’où une faible densité anticorps-antigène « cible » sur les cellules portant l’antigène. La densité relative de l’anti-D à la surface des cellules D+ induirait des différences de cibles pour les cellules porteuses de récepteur Fc impliquées, d’où une production de cytokines différentes.Les deux cytokines pourvues d’une activité biologique puissante et dont les taux sont augmentés participent au blocage de la réponse immune primaire. Les auteurs notent que le pourcentage de femmes enceintes présentant des cellules fœtales circulantes croît au fur et à mesure de l’avancée de la grossesse, passant de 3% au premier trimestre à 45 % au troisième. L’hypothèse proposée est la suivante.
L’augmentation ou non du taux des deux cytokines serait directement liée à la quantité de de cellules D+ fœtales circulant chez la mère. Une étude associant le suivi du DNA fœtal dans la circulation maternelle et production des cytokines pourrait apporter une réponse à cette question.
A lire également sur le même sujet et dans le même numéro l’éditorial de B M Kumpel [On the immunologic basis of Rh immune globulin (anti-D) prophylaxis. Transfusion 2006 ; 46 : 1271-1275].